Société

Procès des officiers de police tués à Nafona : La prison à vie pour 6 accusés.

L’affaire des deux officiers de police assassinés le 12 janvier 2019 à Nafona a été appelée à la barre ce 19 Mars 2024 à l’occasion des assises criminelles de la Cours d’appel de Bobo-Dioulasso siégeant à Banfora. 6 accusés comparaissaient devant cette Cours pour complicité d’assassinat, de rébellion et de dégradation de biens. Un 7e accusé est aujourd’hui décédé et une quinzaine de témoins étaient aussi appelés. Parmi eux, Aminata Gouba, Haut-commissaire de la Comoé au moment des faits. Ils ont tous apporté leurs témoignages pour la manifestation de la vérité sur cette affaire qui avait créé l’effroi et l’émoi au Burkina. Le verdict est tombé la nuit après 3h du matin après plus de 11 heures de débats. Les 6 prévenus ont écopé de la prison à vie.

A la barre de ces assises criminelles, se trouvaient Soma Soungari, Héma Baba, (chef du village), Héma Soungalo, Soma Makomon, Héma Siaké, Soma Diloma chef dozo. Un 7e prévenu, Héma Solo, est lui décédé. Ils ont tous été alpagués deux ans après la commission des faits, soit à l’ouverture de l’enquête. Ils étaient assistés de Maitre Ziba Marcelin du cabinet Maitre Prospère Farama.

Appelés à la barre, ils ont tous nié les chefs d’inculpation de complicité d’assassinat, de rébellion et de destruction de biens. Et pourtant deux fonctionnaires de police ont bien trouvé la mort au petit matin du 12 janvier 2019 à Nafona. Ont-ils été tués, transportés et déposés à Nafona ? Question de l’avocat général.

                                            Les faits.

Il était 6h30 mn ce jour selon le rapport de l’instruction, lorsque les policiers, à bord de deux véhicules et sur instruction du Procureur du Faso près le TGI de Banfora sont arrivés à Nafona pour l’interpellation de 6 personnes. 4 jours avant, le 8 janvier 2019 précisément, des convocations avaient été remises à ces 6 personnes suite à un litige foncier. La réaction dans le village a été le saccage et l’incendie du domicile de Coulibaly Drissa, qui voyait ses terres retirées. Ce 12 janvier, les policiers arrivent à interpeller deux des 6 personnes. Ils sont surpris par les cris des femmes. Comme si un mot d’ordre était donné, les policiers sont surpris par la rapide mobilisation des villageois.

L’officier Sangaré Wolé Gilbert, l’une des victimes tombées à Nafona le 12 janvier 20219

En effet, femmes, jeunes, enfants et vieux, armés de marchettes, de pilons, de pierres, de lance-pierres, ont acculés les policiers qui tentaient de se soustraire de ces villageois déchaînés. Des tirs de sommation et des gaz lacrymogènes n’ont pas réussi à dissuader les Nafonais. Devant donc fuir, dans la précipitation, deux armes sont tombées et les deux responsables de la missions, Wolé Gilbert Sangaré du commissariat de police de Banfora parti de Banfora avec des éléments et Kyélem Téleshore Marie Anicet, commissaire de police de Soubaka, descendent pour les récupérer. Ils seront pris et sous la pression des manifestants, le reste de la délégation policière replie pour chercher du renfort et trouver des médiateurs.

La suite est connue et le récit fait froid au dos. Le commissaire de police de Soubaka se verra sectionner les deux tendons par Soma Diloma, chef chasseur dozos avant de donner l’ordre de le tuer.

Ayant réalisé son sort alors qu’il était dans les supplications pour récupérer leurs armes, Wolé Gilbert Sangaré a dû faire usage de son pistolet automatique touchant mortellement Soulama Maman. Ce policier sera achevé à son tour sous les coups de pierres, de gourdins et de machettes. Le reste de la délégation s’en tire après de nombreux blessés dans leur rang.

Après ces tristes faits, le village s’est organisé avec des dozos qui veillaient désormais sur le village avec des fusils, des flèches et autres objets de défense. Certains sont perchés sur des arbres pour mieux surveiller et surprendre tout aventurier dans le village.

C’est après des négociations que les corps des fonctionnaires de police seront remis aux autorités dans l’après-midi. Ces dernières constateront sur les lieux, des corps sans vie abandonnés sur le champ de bataille entre des pierres et des morceaux de bois. Les corps comportant des entailles et autres stigmates de la furie meurtrière des Nafonais

L’avocat de la défense Me Ziba Marcelin du cabinet Farama

       Les 6 prévenus ne reconnaissent pas les faits.

Les prévenus ont tous opté pour leur défense de nier les faits. Et c’était partie pour un procès marathon afin de faire jaillir la vérité. Le premier appelé à la barre a été Soma Soungari, un conseiller du village.  Il soutient qu’il n’était pas présent sur les lieux car ayant fui. C’est vers 19h qu’il dit avoir regagné le village. Héma Baba, est le chef de village de Nafona. Il niera à son tour les faits. Il n’a joué aucun rôle dans l’inscription de cette page noire à Nafona car, ayant des problèmes de santé liés aux yeux. Son avocat vole à sa rescousse pour soutenir que Nafona est un village de rebelles pour dire le chef n’y pouvait rien. Héma Soungalo, le CVD entonnera la même trompette et soutient être arrivé sur les lieux 2 heures après. Soma Makomon, est le quatrième à la barre. Il était dans sa chambre et s’est ensuite enfui du village pour revenir la nuit. Soma Siaké était chez lui. Après les alertes des femmes, sa femme a reçu une balle et s’est écroulée sur le champ. Il quitte les lieux en pleures mais il a été incapable de donner la moindre piste sur les auteurs.

Des informations émanant d’un écrit remis aux autorités et fait état que c’est lorsque la défunte a voulu tirer son mari menotté qu’elle a reçu la balle, le veuf a été catégorique. Il n’était pas parmi les deux interpellés. Réaction de son avocat, les interpellations ont été faites à l’aveuglette et à cette barre on nous raconte des histoires à dormir debout. Où est la liste de ceux qui devaient être interpellés ? S’est-il s’interrogé.

C’est à 21h10 que le chef dozo a été appelé à la barre et plus d’une heure d’horloge, il essayera d’esquiver les questions. Niant les faits, il dira qu’il est arrivé sur les lieux mais n’a trouvé personne. Seulement les trois corps.

Avez-vous donner un mot d’ordre dans le village ? Les Nafonais rendent-ils compte à leur chef ? Vous avez fui abandonnant les femmes et les enfants ? Dans votre village dès que vous voyez des hommes de tenu vous devez crier ? Connaissez-vous ceux qui ont assassiné les deux officiers ? En tant que CVD, ou conseiller, qu’avez-vous fait pour retrouver les assassins ? En tant que chef dozo, avez-vous organiser la sécurité du village ? Avez-vous conduit le défunt Sangaré chez le chef du village pour connaître son sort ? Avez-vous porté le premier coup avant de donner l’ordre de l’exécuter ? Autant de questions posées par le ministère public et les juges. Les accusés sont restés droit dans leurs bottes.

Les débats ont traîné sur la correspondance remise au haut-commissaire et où les Nafonais ont écrit noir sur blanc que c’est parce que la femme a été tuée qu’ils ont eu cette réaction punitive. Plusieurs des accusés ayant leurs noms et leurs signatures, ont nié les faits. Seul le chef dozo reconnaîtra avoir signé mais ne se reconnaît pas dans le contenu écrit par un élève de la classe de 5è qui est lui aussi décédé. A entendre le chef dozo à la barre, il a demandé simplement de transmettre à l’autorité une lettre de remerciement pour s’être déplacée les soutenir.

C’est à 22h15 que débutera le défilé des témoins, en majorité des policiers ayant pris part à la mission. La réaction de l’avocat fait sous forme d’observation a été que les témoins sont en fait des victimes car appartenant à la police. Au président du tribunal de répliquer que leur comparution comme témoin répond à la loi. Ils n’ont aucun lien de parenté avec les accusés. Leur déposition s’est poursuivie jusqu’à 0h30 mn avec quelques incohérences relevées par l’avocat. L’identité des 6 personnes qui devaient être interpellées ne sera pas connu car les témoins diront qu’ils étaient des exécutant et que c’est leurs chefs qui avaient cette liste.

          L’avocat général requiert 30 ans de prison.

Suivront les plaidoiriesjusqu’à2h22mn. L’avocat général a tenu à lever deux équivoques. Le fait que les débats ne se soient pas focalisés sur la défunte, il a expliqué qu’il y a eu un non-lieu, l’auteur de la mort n’ayant pas été découvert. Il a ensuite fait remarquer que c’était des policiers en mission légale mais qu’il ne s’agit pas de faire la part belle à qui que ce soit. Sur la complicité d’assassinat, il a demandé leur requalification en meurtre et de reconnaître les prévenus coupables et qui ne doivent pas bénéficier de circonstances atténuantes. Car, il ne comprend pas que des gens aussi responsables du village refusent d’aider l’administration comme s’ils avaient juré sur un fétiche. Même le mari de la défunte n’a daigné faire la moindre révélation. C’est pourquoi, une peine de 30 ans de prison ferme a été requis par le ministère public contre chacun des prévenus.

Pour le cabinet d’avocats Maitre Prospère Farama, qui a salué la patience de la Cours, a tenu à relever que ses clients se sont rendus eux-mêmes au TGI de Banfora en 2021. Ce dossier qui a fait beaucoup de bruits et qui est devenu comme une patate chaude entre les mains des juges, il n’y a pas lieu de faire de l’amalgame. En effet, sur les faits, l’avocat dira que le rapport médical ne fait pas notion de tendons du commissaire de police de Soubaka coupés, que c’est insensé de soutenir que la victime Wolé Gilbert Sangaré avait toujours son arme alors qu’il était déjà entre les mains de ses bourreaux. Pour lui, une bonne investigation peut démontrer que la mort de la dame été provoquée par les policiers qui ont été convoqués ici comme témoins. Alors qu’ils appartiennent à un corps qui est la victime. Il a ensuite déploré l’absence d’une expertise balistique.

Poursuivant sa plaidoirie, il dira que les faits reprochés à ses clients ne sont pas constitués, contrairement à ce que soutient le ministère public qui n’a pas pu fournir la preuve matériel et fait un exercice de déduction juridique.  Pour lui, ses clients soutiennent qu’ils n’étaient pas sur les lieux et il y a là un doute raisonnable. C’est pourquoi, il demandé qu’il plaise à la Cours de les relaxer purement et simplement.

L’audience sera suspendue à 2h30mn et le verdict est tombé aux environs de 3h28mn. Tous les 6 prévenus ont été reconnus coupables des faits et ont été condamnés chacun à la prison à vie. Ils ont 15 jours pour faire appel et maitre Ziba Marcelin, a décidé de faire appel. Car la décision qui a été rendue ne les satisfait pas. Sur beaucoup de points la cours n’a pas tenu compte des arguments qu’ils développés. Toutefois, s’il y avait lieu de condamner, ce ne devrait pas être tout le monde à la fois.

Sié Yacouba Ouattara

Wangola Médias. 

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