Mélégué Traoré sur la situation nationale : « La lecture que l’Union Européenne fait de la situation ici pose évidemment un problème de fond »
Groupes armés non étatiques ? Groupes armés organisés ? Hommes armés non identifiés ? Où en encore Groupes terroristes ? Le Burkina Faso, depuis 2016, est en proie à l’hydre terroristes avec des attaques au quotidien qui endeuillent des milliers de familles. Le pays qui attendait une solidarité internationale a été désillusionné. Mais les nouvelles autorités qui ont pris les choses en main avec actuellement des déroutes infligées à ces groupes terroristes, ont aussi opté pour une souveraineté véritable en diversifiant les partenaires. C’est dans ce contexte qu’est née récemment une divergence dans l’emploi des terminologies entre le pays et certains de ses anciens partenaires, l’Union Européenne en l’occurrence. L’appellation des groupes terroristes divise. Wangolā Média est allé à la rencontre de Mélégué Traoré, ancien Président de l’Assemblée Nationale qui n’est plus à présenter. Il nous donne ici sa lecture sur ces terminologies et estimé qu’il n’est pas exact de dire qu’il n’y a pas de progrès dans la lutte.
Bonjour monsieur le président. Il y a une divergence de terminologie entre le Gouvernement de la Transition et l’Union Européenne. Il s’agit de l’appellation « Groupes Armés Non Étatiques » et « Groupes Armés Organisés » utilisée par l’Union Européenne pour désigner les Groupes Armés Terroristes et les Hommes Armés Non Identifiés. Toute chose qui a été dénoncé par le gouvernement Burkinabè. Quelle est votre lecture de cette nouvelle opposition avec ce partenaire ?
Mélégué TRAORÉ : Il n’y a pas d’opposition. L’Union Européenne est libre de les appeler comme elle veut. Notre Gouvernement aussi d’ailleurs. Pour moi il n’y a pas d’opposition. Ça fait partie des faux problèmes actuellement. Si nous avons d’autres divergences avec l’Union Européenne qui sont de nature significatives, là je suis d’accord. C’est-à-dire par exemple la lecture que l’Union Européenne fait de la situation ici pose évidemment quelques problèmes de fond. Mais ce n’est pas au niveau de la nomenclature ou du lexique, non. L’Union Européenne peut très bien décider de ne pas appeler les gens terroristes mais ils savent très bien que c’est des terroristes. Ça n’a pas grand-chose. Mais en Français c’est vrai que c’est des groupes non étatiques. Ça fait partie des faux débats pour moi.
Le Capitaine Ibrahim TRAORÉ opte pour la guerre. Aucune négociation, a t-il dit. Est–ce la bonne solution ?
Sur cette question il y a deux positions possibles. Moi j’ai une position dès le départ. Personne ne peut être contre la négociation par principe. Mais il faut savoir, la négociation s’il y en a, dans quelle condition elle s’opère. Le Président Ibrahim quand il dit ça, il est à la tête de l’État il sait très bien qu’on peut être à un moment donné contraint de discuter. Peut-être pas de négocier mais de discuter, parce que ça c’est deux choses différentes. Mais des gens avec lesquels on n’a aucun contact, comment les convaincre de baisser les armes. Mais dans le principe dès le départ moi aussi je disais non et je maintiens ça. Si c’est une négociation formelle on négocie sur quoi exactement ? On va négocier que les femmes ne doivent plus aller à l’école ? On va négocier que la Charia va remplacer la Loi au Burkina Faso ? Ou bien on va négocier sur le fait que l’enseignement se donne désormais en Arabe ? Ou bien on va négocier sur le genre de société qu’on a ? C’est des questions de fond. Personne n’acceptera ça ici. Il y a certainement des choses qu’on peut discuter par exemple. Le Gouvernement devrait lui-même mener une réflexion approfondie sur les causes et les raisons pour lesquelles des gens prennent les armes, et qui ne sont pas des étrangers. Il s’agit de jeunes Burkinabè. Et on sait très bien qu’il n’y a pas que des jeunes dedans. On sait très bien qu’ils ont des soutiens dans le corps social, dans certaines communautés mêmes. C’est connu. Beaucoup d’exemples montrent ici que des notables poussent leurs enfants mêmes à y aller. Quand ça devient comme ça c’est le corps social lui-même qui est malade. Et nous ne sommes pas dans une situation où vous avez une armée contre une armée et elles se font face. Les deux ont des armes, des avions, etc. L’une des armées finit par gagner. On ne gagne pas avec des avions contre le corps social. On a besoin que tous les groupes qui attaquent et qu’on identifie, on localise, on a besoin des armements modernes, des avions de combat, etc. Mais je répète une fois de plus, puisqu’on n’est pas dans une guerre classique, ce n’est pas une armée face à une autre armée. C’est l’armée burkinabè face à un corps social gangrené et truffé de terroristes, qui ne sont pas au départ des terroristes. C’est des jeunes burkinabè d’abord. Ils sont devenus terroristes. Et dans ces conditions-là, il ne faut pas fermer la porte à des discussions. De toute façon si on veut convaincre nombre de jeunes de déposer les armes, il faudra les identifier et discuter avec eux. C’est ces canaux qu’il faut trouver. Et de ce côté-là, je trouve qu’on manque d’imagination dans notre système de manière générale. Il y a des personnalités probablement qu’il faudrait mettre à contribution dans tous les groupes sociaux et dans les différentes communautés pour reprendre à la base la réflexion sur pourquoi on en est arrivé là, pourquoi des gens prennent des armes contre leur propre pays. Pourquoi c’est comme ça ? C’est ces questions qu’il faut se poser à mon avis. Et si on mène bien cette réflexion, on va faire la part des choses entre ce qui relève de la guerre et qui est indispensable à mener et ce qui relève de la dynamique sociale qu’il faut réexaminer complètement. Et ça, elle suppose des contacts entre tout le monde donc il y a la discussion dedans. Parce que la négociation obéit à des règles.
Depuis un certain temps, l’actualité au Burkina Faso est dominée par certaines interpellations des acteurs de la société civile, et récemment aussi des hommes politiques. Il y en a qui ont été déposés à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Comment pensez–vous qu’il faut gérer cette question ? D’aucuns pensent qu’il y a un frein à la liberté d’expression.
Ah non ! Il faut être au courant de pourquoi on les interpelle avant de porter un jugement. Tant que je ne sais pas ça, je ne me prononce pas. Aujourd’hui on découvre sur beaucoup de gens des choses qu’on ne devinait pas du tout. Et c’est pour cette raison que je dis que je ne me prononce pas. C’est clair qu’il ne faut pas aller du principe que personne ne doit critiquer le régime. Là je ne suis pas d’accord. Les gens ont le droit de critiquer. D’ailleurs c’est ce qui fait avancer un régime, c’est ce qui fait qu’un régime s’améliore. Mais de la même manière, dès qu’on interpelle quelqu’un il ne faut pas dire que c’est attentatoire à la liberté de penser et la liberté d’expression, la liberté d’agir même. C’est pourquoi je ne me prononce pas dessus parce que je connais pas vraiment les raisons. Ce que j’apprends là-dessus c’est ce qu’il y a dans les médias. Et je n’ai pas beaucoup discuté avec les gens déjà interpellés jusqu’à présent. Rien qu’hier j’ai vu plusieurs noms. Mais quand je vois Zéphirin DIABRE, je crois qu’Eddy COMBOIGO a aussi été auditionné, Abdoulaye MOSSE, un certain nombre de personnes qui ont tous en commun en tout cas pour celles-ci, d’être dans hommes politiques de premier plan. Mais j’aimerais bien connaître les motifs des interpellations avant de me prononcer.
Monsieur le Président, vous ne vous êtes pas encore prononcé sur la suspension des activités des partis politiques. Quel est votre point de vue par rapport à cette décision du gouvernement de la Transition ?
Je pense que ce n’était pas nécessaire. On ne peut pas en même temps maintenir la Constitution et interdire les activités des partis politiques. Les choses vont de paire. On ne peut pas dire aux partis que vous existez mais vous n’avez pas le droit de mener vos activités. Ou alors dites que les partis politiques sont interdits. Mais la vraie question ce n’est pas ça ! La vraie question c’est le sort que l’on réserve à la Constitution dès le départ. On n’était pas obligé de ressusciter cette Constitution qu’on avait suspendue d’ailleurs.
Entre le 03 janvier 1966 et 1980, l’arrivée du RDA (Rassemblement Démocratique Africain, ndlr) au pouvoir, avec Gérard Kango OUEDRAOGO comme Premier Ministre, entre les deux, la Constitution n’existait pas. On a très bien dirigé le pays sans ça. À partir de novembre 1980, quand Saye ZERBO a pris le pouvoir avec son CMRPN (Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National, ndlr) jusqu’en 1991, ça a duré dix ans, il n’y avait pas la Constitution. Le pays était dirigé. On ne peut pas dire qu’il était moins bien dirigé qu’après ou avant. Le problème à mon avis c’est qu’on n’est pas obligé de maintenir la Constitution, mais si on la maintient, il faut aller jusqu’au bout de la logique. Donc pour moi, le maintien de la Constitution supposait que les partis politiques, qui ne sont pas interdits, puissent organiser leurs activités. On peut certainement mettre des limites, on peut donner les éléments, on peut dire que les partis politiques mènent leurs activités à telles ou telles conditions. Tout ça je peux comprendre par exemple pour des raisons de sécurité. Un tel régime était possible. Mais on ne peut pas dire en même temps que la Constitution est rétablie, dire oui aux partis et interdire leurs activités. Pour moi c’est contradictoire. Cela dit, j’ai cru comprendre qu’à un moment donné il était question d’assouplir les choses. Je ne sais pas si c’est tenable à long terme. Il faudra certainement trouver un espace pour que les partis politiques puissent agir à condition qu’ils ne sortent pas des exigences du moment.
Si vous aviez un conseil à lui donner, que conseilleriez–vous au Président de la Transition ?
Non, je ne vais pas vous dire même, parce que je n’ai pas l’habitude. Ça m’arrive rarement de donner des conseils aux Chefs d’États, même ceux que je connais le plus. Je me prépare à aller à Niamey bientôt pour rencontrer BAZOUM. Je les rencontre presque tous. Je leur donne mon avis mais c’est rare que je dise à un Chef d’État voilà le conseil que je te donne. Mais je dirai une seule chose plutôt. Je pense que la situation est tellement complexe maintenant que le sentiment que les gens peuvent avoir, est qu’on tourne en rond, bien qu’il y ait des progrès. Ce n’est pas vrai, c’est pas exact de dire qu’il n’y a pas de progrès. Le simple fait qu’on puisse desserrer l’étau autour de certaines localités, qu’on puisse aussi taper sur les terroristes, c’est du progrès. Ce n’est pas raisonnable de dire que tout est toujours pareil, que rien n’a changé. Ce n’est pas exact. Cela dit, on peut mieux faire. Il faut qu’il y ait une véritable réflexion politique derrière tout ce qu’on fait là. Et qu’il y ait beaucoup plus de consultations.
Vous savez, ce pays est bourré d’une élite de très grande qualité. Il faut la mettre à contribution. Il y a beaucoup de gens qui aimeraient pouvoir donner leur avis et leurs suggestions, mais qu’ils ne le font pas parce qu’on ne les consulte pas. Et ce reproche vous pouvez l’entendre partout. Nombre de gens que je connais souhaiteraient contribuer, mais si vous ne leur demandez pas ils ne contribueront pas. Et les Burkinabè sont volontiers comme ça. Même parmi les plus cultivés c’est comme ça. Sinon ce n’est pas les ressources humaines et intellectuelles qui manquent au Burkina. Au contraire c’est notre principal atout, notre principale richesse comme ça qu’il faut exploiter à fond.
Souhaiteriez–vous dire quelque chose qui n’est pas ressorti dans nos questions ?
Ce que je voudrais dire c’est qu’il faut probablement examiner tout ça de manière large, adresser l’espace social du pays dans sa totalité. Et puis adresser les espaces régionaux, provinciaux et communaux surtout. La situation n’est jamais exactement la même partout. Et les solutions qui peuvent marcher à Dori peuvent ne pas très bien marcher Kankalaba ou à Nouna, etc. Il faut faire une lecture globale le gouvernement a besoin de ça pour gérer la situation sinon il ne pourra pas agir efficacement. Mais il faut avoir une lecture différenciée aussi en fonction des segments sociaux, en fonction des segments régionaux, des segments provinciaux. Si vous prenez ce qui se passe chez nous à la Comoé, à partir de Sidéradougou, Ouo, etc. des solutions qu’on verra à partir de Ouaga peuvent ne pas marcher. Il faut interroger là-bas ceux qui sont sur le terrain, ceux qui animent la dynamique sociale.
Wangola Médias
Pour ma part, personnellement je trouve une satisfaction pour la région. La création de wangola médias une innovation j’encourage les différents acteurs qui ont eu le flaire car il était temps d’y penser et de pouvoir réalisé un tel projet c’est une fierté pour nous les ressortissants des cascades. Je souhaite bon vent au et plein succès. Mes vives félicitations aux différents acteurs qui n’ont ménagés aucun effort pour la réalisation. Il n’y a point de vent favorable pour celui qui ne sait ou il va.
Respects à vous Mme Diarra. l’équipe de Wangolà Médias est très ravie de votre commentaire et prend cela comme une invite à maintenir le cap. Nous avons effectivement penser que l’information de proximité n’est pas à négliger. Nous restons disposés à accompagner toute action entrant dans le cadre du développement de la région des Cascades.