Lac aux hippopotames de Tengréla dans la commune de Banfora : le jardinage comme alternative au déclin touristique.
Le célèbre et attrayant site touristique, le lac aux hippopotames de Tengréla n’a plus son rayonnement d’antan. Comme à l’image de plusieurs sites touristiques du pays, le site touristique de Tengréla semble à l’abandon et risque d’être l’ombre de lui-même. Absence totale de touristes étrangers depuis quelques années, manque d’affluence de touristes nationaux pour valoriser le site, la situation est presque intenable pour les promoteurs et autres acteurs du tourisme. L’alternative pour la plupart d’entre eux afin de joindre les deux bouts est devenu le jardinage. Constat peu reluisant ce 7 janvier 2024 sur un site jadis bien fréquenté.
D’entrée de jeu, faisons la remarque que le manque de fréquentation du lac de Tengréla n’enlève en rien à la tranquillité sur le site. Bien au contraire, on peut y passer des heures sans voir le temps s’écouler, rien qu’en observant l’étendue d’eau calme, les hippopotames se faisant très discrets. Seuls les chants des oiseaux, des corbeaux pour la plupart, viennent rompre le calme olympien qui y règne. Des motos-pompes également se mêlent avec leur vacarme mais pas après une certaine heure.
Une vue des installations qui depuis le lac arrosent les parcelles
Un peu plus de 10h ce 7 janvier 2024, nous sommes à la barrière de contrôle du site où, jadis, il fallait payer un ticket pour accéder au site. Cette barrière était tenue par des jeunes qui collectent les recettes pour l’ONTB, le village et la commune de Banfora. Nous sommes devant une barrière vide où la porte et la fenêtre sont ouvertes, des gilets de sauvetage accrochés au mur ainsi que des nattes rangées à l’intérieur. Nous franchissons la barrière et parcourrons les quelques 300 mètres qui nous séparent du site. Des pêcheurs s’activent sur des pirogues pendant que les motos-pompes ronronnent de façon incessante. Ces motos-pompes sont alignées et visibles tout au long de la rive du site, une pratique récente pour la maraicher-culture.
« Souvent c’est un ticket et il y a des jours où il y a personne », soutient Amadou Do.
Les campements sont déserts, seule est présente une famille venue matinalement prendre du bon temps. Le chef de famille, un entrepreneur, nous rassure sur la tranquillité du site dont il est venu profiter avec sa petite famille, « de l’air pure » précisera-t-il. Go Issouf, puisse c’est de lui il s’agit avoue être un habitué du coin. Il indique que pour le moment les visiteurs n’ont pas commencé à venir. Selon lui, c’est vers 15h que certains préfèrent venir. « C’est un bon cadre vraiment pour se reposer et changer d’air », affirme cet entrepreneur couché sur un canapé tandis que sa femme se trouve sur un autre. Son souhait est que les Burkinabè fassent rayonner ce cadre en faisant des tours sur le site en vue de sa valorisation.
Tibiri Mariam Traoré, est promotrice d’un campement avec son mari
Sur le site, Tibiri Mariam Traoré, est promotrice d’un campement avec son mari. Ensemble, ils gèrent un maquis. À l’entendre, il n’y a pas de marché. « Tout est au ralenti ici. Notre campement ne marche plus. Si nous ne faisions pas du jardinage il n’y a plus de touriste. La buvette aussi ne marche pas », soutiendra-t-elle. Les raisons de la rareté des touristes restent liées à la crise sécuritaire que vit le pays. Dame Traoré soutient qu’il y au moins 3 ans, elle n’a pas aperçu un touriste blanc dans le coin. Pour les nationaux, c’est souvent les weekends qu’ils viennent un à un et ce n’est d’ailleurs pas à tous les weekends, soutient-elle.
« Vraiment ça nous chauffe, ça nous frappe beaucoup », a fait noter Lassina Hilou
Comme ce promoteur de campement dont les réalisations sont en abandon, ils sont nombreux à se reconvertir au jardinage d’où la présence massive de motos-pompes tout au long de la rive du lac. Actuellement, guides touristiques et promoteurs de campements cherchent à survivre en se redéployant dans la maraîchéculture. Les installations de tuyaux inondent donc le lac pour irriguer les parcelles. C’est donc cette alternative qui permet à des acteurs touristiques, autrefois très sollicités pour visiter le lac, de joindre les deux bouts.
Cependant des difficultés existent dans le jardinage selon Tibiri Mariam Traoré. Il s’agit de la gestion de la ressource en eau du lac. « L’année passée courant les mois de février à avril, on nous a interdit l’accès à l’eau », dira-t-elle avant de souhaiter un aménagement du lac pour répondre aux besoins de la maraîchéculture car, il y a suffisamment d’eau en saison pluvieuse.
La maraichéculture semble s’imposée aux acteurs du tourisme comme moyen de survie
C’est le même son de cloche chez Lassina Hilou, promoteur du Restaurant « Hippopotames ». « Actuellement c’est un peu compliqué avec la situation du pays, tout le monde sait que ce n’est pas simple. Il n’y a pas de touristes comme à l’époque », a lancé ce dernier le cœur serré car, l’affluence des touristes a considérablement diminué. « Vraiment ça nous chauffe, ça nous frappe beaucoup », ajoutera Lassina Hilou. A l’entendre, chacun a son jardin pour se débrouiller. Lui a cultivé du poivrons sur lequel il veille comme sur la prunelle de ses jeux pour éviter la destruction par les animaux en divagation. En réalité, le jardinage était leur première activité. « Nous avons abandonné cette activité pour venir faire la restauration, donc ça ne nous dérange pas de refaire le jardinage», avouera Lassina Hilou, visiblement à l’aise de reprendre son ancien métier. « On maîtrise ça très bien même », se veut rassurant Lassina Hilou.
L’entrepreneur Go Issouf, nous rassure sur la tranquillité du site dont il est venu profiter avec sa petite famille
Aux environs de 13h quelques visiteurs rejoignent le site à motos et en véhicules. La détente y règne. Retour aux environs de 15h à la barrière où nous trouvons enfin quelques jeunes installés sur des nattes avec une théière à côté. Seul Amadou Do, surveille la barrière. Il est de retour au poste et ses amis sont venus le soutenir. Il nous explique qu’il était sorti pour raison sociale après avoir pris service le matin. « Actuellement les choses sont vraiment difficiles. Il y a trop de difficultés par rapport à avant où nous gagnions les expatriés. Beaucoup de gens venaient surtout au mois de janvier et nous étions tous contents ici. Mais en ces jours-ci, les choses ne marchent plus », a indiqué l’agent à la barrière.
Loin de se décourager, ils sont deux à tenir la barrière. « Tu te retrouves à vendre que 3 tickets toute la journée. Souvent c’est un ticket et il y a des jours où il y a personne », soutient Amadou Do . La période des congés et des vacances est actuellement appréciée avec un peu d’affluence sur le site.
Au lac des hippopotames de Tengréla les acteurs se réjouissent du passage de l’équipe de Wangola Médias, conscients du rôle des médias pour redonner une nouvelle vie au site qui passe par l’affluence des touristes nationaux. « J’appelle tous les Burkinabè à sortir. On n’a pas besoin que les touristes quittent ailleurs. Nous-mêmes nous pouvons faire quelque chose », implore Lassina Hilou, qui clame qu’on a plus besoin des blancs comme à l’époque.
Tous implorent également le retour de la paix pour une relance enfin du site aux hippopotames. Un site où un enjeu vient s’ajouter, celui de la maraîchéculture. Comment concilier cette pratique récente due à la rareté des touristes et la préservation de l’espace naturelle des hippopotames ? En fixant les prix à 500f pour chacun des visiteurs nationaux et 1000f pour les non-nationaux, l’Office National du Tourisme Burkinabè (ONTB), doit opérer la bonne option.
Sié Yacouba Ouattara.
Wangola Médias.