« Dans tous les villages Gouin, il n’y a pas eu de guerres », dixit l’écrivain José Hounkolgo Karama.

« L’histoire cachée du Tchierla », c’est l’œuvre littéraire de 137 pages sur l’ethnie Gouin ou Gbin. Avec au total 9 chapitres il est disponible depuis juillet 2024 dans les librairies au Faso. Ecrite par José Hounkolgo Karama, un fils de Gouèra résidant à Niangoloko, l’écrivain a entrepris de raconter l’histoire cachée du peuple Ciramba que sont les Gouin. « Tout ce qui a été écrit, j’ai senti un peu de la fausseté et c’est pourquoi j’ai pris le revers », justifie-t-il, car des devanciers dits explorateurs dans leurs récits ont traité les Ciramba de peuple anthropophage. Editée dans les Editions de la fourmilière, des hommes bien connus au Faso comme Adama Amadé Siguiré, ont apporté leur touche à l’ouvrage.
Wangola Médias : Vous êtes en train de présenter votre œuvre littéraire, dites-nous de quel roman s’agit-il ?
José Hounkolgo Karama : Tout d’abord, je remercie Wangola Médias parce qu’aujourd’hui ce média s’impose dans la région des Cascades. C’est connu de tous et je tiens à vous dire merci et souhaiter que Wangola Médias puisse porter jusqu’à l’international pour être un des grands médias.
Je suis là effectivement pour vous parler de mes œuvres qui en réalité sont 5 au total, avec l’unique qui est aujourd’hui éditée et imprimée. Elle est déjà sur le marché et intitulée « L’histoire cachée du Tchierla ». Quand on parle de l’histoire cachée de Tchierla, il faut d’abord définir ce que c’est que le Tchierla. C’est un mot en Dioula qui veut dire chez les Ciramba. Les Ciramba sont un peuple qu’on appelle à tort les Gouin ou Gbin. Sinon leur appellation réelle ce sont les Ciramba.
On pourrait dire que les Ciramba ou les Gouin tirent leurs origines vers le 9e siècle à partir de Bondoukou, une appellation qui a été donnée par des Lorhon, un peuple venu du Ghana tout comme les Gouin.
Donc, cette œuvre que je mets aujourd’hui à la disposition du monde vise à parler de ces Ciramba appelés les Gouin au Burkina et Gbin en Côte d’Ivoire. Naturellement, on pourrait les trouver déjà dans la zone de Bouna, de Bondoukou, vers Diabangou au sud de Kong et Nakaramadougou. Ce peuple va remonter vers Kanawolo, Korhogo et continuer vers Odiéné.

« Beaucoup de gens ne connaissent pas bien ce peuple alors que c’est un peuple guerrier » atteste l’écrivain José Hounkolgo Karama.
Si nous allons fouiller vers les 15e et 16e siècle, les Gouin habitaient déjà les zones de Korhogo, Odiénné, vers Tingrela et c’est dans ça on verra qu’ils vont se fendre en deux vagues pour arriver à l’extrême nord, c’est-à-dire le Burkina Faso aujourd’hui. Donc, il y aura la vague de Soma Tani, qui va passer dans la zone de Diawala, Niélé et jusqu’à Wolonkoto au Burkina tandis que la vague de Diana Karama va passer et traverser le Lompopo pour venir vers la zone de Fèrkéssedougou et rentrer dans un village aujourd’hui disparu qu’on appelait Polopolo 1 vers Torla. Au moment de la crue, ils vont se standardiser quelques temps et au moment de la décrue, ils vont traverser pour créer le village de Polopolo 2.
Ces villages, quand vous demandez aux Gouin, vous verrez toujours vers Folonzo et carrément au fleuve Léraba qu’il y a des gens qui partent toujours adorer leurs fétiches qui sont restés là-bas. C’est cette vague qui va continuer jusqu’à Tchaplô, derrière ce qu’on appelle aujourd’hui Nafona 1 vers Lémourédougou avant de revenir vers la Clairière à l’actuel emplacement de la gare ferroviaire.
Vous verrez que beaucoup de gens ne connaissent pas bien ce peuple alors que c’est un peuple guerrier. Les villages qu’on appelle à tort Soukaniédougou, sinon c’est Totanolé le village des archers, abritait des gens que le peuple Senoufo venait louer pour aller combattre pour eux contre les hommes de Babemba de Sikasso.
Comment avez-vous pu reconstituer l’histoire des Ciramba ?
Cet ouvrage a été travaillé en deux phases, après l’oralité d’abord, ensuite je l‘ai confronté ou conforté par des écris tels que les écris de Maurice Delafosse, Louis Tauxier, Michèle Dacher. Remontant l’histoire, nous verrons que la présence de ces mêmes Ciramba est notée au nord du Ghana où il y a eu un pacte de sang d’où le « rakiré » (parenté à plaisanterie) avec les peuples du Sud-Ouest que sont les Lobis, Dagara et autres, plus précisément à Wa. Plus avant, vers le 3e siècle, on les verra à Kara au Togo et à Porto-Novo au Benin. On retrouvera également les Gouin à Bénin City au Nigeria et à Bamenda au Cameroun et ensuite au nord du Soudan actuel.
Pourquoi il a été impératif pour vous de rédiger une telle œuvre littéraire ?
En lisant surtout des livres tels que le carnet de voyage de Binger, je me suis rendu compte qu’à l’intérieur du Haut Sénégal au Niger, on a traité les mêmes Ciramba d’anthropophages. Mais un mot va le contredire parce que quelque part Binger lui-même va écrire que c’était des grands cultivateurs de mil. Ce peuple ne se reconnait pas anthropophage et donc du coup, ça m’est venu à l’idée de fouiller dans l’histoire de ce peuple pour comprendre.
Si on nous dit qu’ils sont des anthropophages alors qu’à mon âge je n’ai jamais vu qu’il y a eu anthropophage, entre nous, voilà pourquoi je suis arrivé à fouiller avec le concours de certains anciens. Ce livre a été fait grâce à ces anciens des années 1800 et début de l’année 1900.
De toutes les façons, il y a des noms de vieux dedans et avec les écrits nous verrons plus tard que le mot anthropophage n’a jamais existé chez nous. Du coup, tout ce qui a été écrit, j’ai senti un peu de la fausseté et c’est pourquoi, j’ai pris le revers pour réécrire ce que sont réellement les Ciramba et qui n’avait pas été dit. D’où le titre de l’œuvre, « L’histoire cachée du Tchierla ». Ce qui avait été déjà écrit c’est bien, mais ce qui n’a pas été écrit était plus valeureux, plus important que ce qui avait été écrit.
Dites-nous c’est quoi vous avez révélez au juste ?
A l’intérieur de l’œuvre, je décris la puissance et la bravoure du peuple Ciramba, que ce soit aujourd’hui au Burkina ou en Côte-d’Ivoire dans les différentes localités qu’ils ont occupées. Le peuple Gouin ou Gbin est un peuple brave, ils ne font que cultiver pour se nourrir en plus aider d’autres peuples.
Toujours dans l’œuvre, je décris la bravoure des Ciramba en temps de guerre et vous allez comprendre que le pays Ciramba, le Tchierla, n’a jamais eu une guerre en tant que telle. Parce qu’ils avaient aussi des secrets, des connaissances ancestrales. Ces secrets, peut-être, seront révélés après mais ils ont permis à ce peuple de ne jamais avoir à faire une seule guerre. C’est le secret de la pintade.
Au de-là de tout cela, il y a des initiations et elles ont permis de comprendre qu’il y a l’adoration du dieu de la fatalité également à partir de la pintade et à partir du « Dogo ». Le Dogo c’est quoi ? Ce n’est pas un fétiche mais plutôt des connaissances de l’univers que le peuple Gouin possède et c’est à partir du Dogo que tu dois devenir homme. Sinon sans Dogo, tu n’es pas homme. Sans passer par l’initiation du Dogo tu ne peux ni te marier ni posséder pour toi un lopin de terre.

José Hounkolgo Karmara invite les Ciramba à lire son œuvre pour apprendre un pan de leur propre histoire
Parlez-nous du secret de la pintade ?
Le secret de la pintade, j’allais vous renvoyer chez les vieux. Mais en fait, c’est quand une fois vous entendez une guerre qui vient vers chez vous, il y a au moins trois vieux et une vieille désignés qui doivent prendre une pintade pour aller au centre du village où ils parlotent sur la pintade, ils l’égorgent en disant une seule phrase : « Seul, celui qui pourra compter tous les points blancs de cette pintade pourra attaquer le village ». Et c’est tout. La femme et un des vieux trouvent alors secrètement un point ensuite et enterrent cette pintade de sorte que personne d’autre ne puissent savoir le lieu.
Si jamais, quelqu’un arrive à savoir où la pintade a été enterrée et arrive à compter les points blancs de la pintade c’est à ce moment qu’une attaque du village sera possible. C’est pourquoi que vous verrez que dans tous les villages Gouin, il n’y a pas eu de guerres. Même Samory Touré au cours de sa razzia est passé par le nord, il n’a pas pu rentrer dans le Tchierla.
Quand on édite un livre le souhait est qu’il soit lu par beaucoup de gens. Quel est votre souhait en matière d’utilisation de cet ouvrage dans le milieu scolaire ?
Souvent je me plais à dire que ce livre est une boussole pour les anthropologues, les professeurs d’universités et les étudiants. D’ailleurs, aujourd’hui, c’est cette catégorie de personnes qui arrive à acheter cette anthropologie romancée. Maintenant mon souhait c’est que naturellement qu’il soit lu, parce que l’intérêt ici est de reconstituer les faits réels par rapport à ce que certains prédécesseurs notamment des braconniers et brigands d’or sont venus écrire sur ce peuple. Quand on va dire à un peuple qu’ils sont anthropophages alors qu’en réalité c’est faux, je pense que c’est de la mauvaise foi. Mon souhait c’est que tout le peuple Gouin d’abord puis le peuple africain puissent le lire pour comprendre la véracité, la culture réelle de ce peuple que sont les Ciramba.
Entretien réalisé par Sié Yacouba Ouattara et
Go Mamadou Traoré.
Wangola Médias.