Dozo Bâ, Abdoulaye Soma, à propos de la journée des Traditions et des coutumes : « Là où il y a la connaissance mystique surtout dans notre région des Cascades, nous voulons le respect ».
Au sein de la confrérie des Dozo de la région des Cascades, il est bien connu. Dozo, il l’est, non pas par amour mais, par la volonté de son géniteur qui a bien voulu qu’il suive la voie qu’il a tracée. Il s’y est donc engagé à la fleur de l’âge. Très modeste, son activité contraste avec une pratique non taboue, généralement de mise d’ailleurs dans la confrérie Dozo : Il ne touche pas à une goutte d’alcool. Abdoulaye Soma, puisse que c’est de lui il s’agit, chasseur Dozo, (à ne pas confondre avec un homonyme parfait qui est professeur de droit constitutionnel), a reçu l’équipe de Wangola Médias ce 3 Avril 2024. Avec lui, il a été question de la première édition de la journée de la Tradition du 15 mai qui avance à grands pas. L’occasion faisant, Abdoulaye Soma lève le voile sur l’apport et les capacités des Dozo dans le retour de la paix.
« Mon père s’appelait Kountané Dramane Soma. C’était un grand chasseur et il résolvait pas mal de situations ».
Wangola Médias : Présentez-vous à nos lecteurs ?
Abdoulaye Soma : Je m’appelle Soma Abdoulaye, je suis au secteur n°3 de Banfora. J’assure un pouvoir traditionnel à Banfora. Je suis un Dozo « SOMA » et nous pérennisons l’œuvre de nos parents. Nous les avons connus dedans et nous suivons leurs traces. Depuis l’âge de 13 ans, j’ai fait mes premiers pas dans la confrérie des Dozo. Aujourd’hui j’ai plus de 30 années de pratiques Dozo car j’ai 45 ans aujourd’hui. Je ne suis pas arrivé dans la confrérie Dozo parce que je le voulais, mais, par héritage. Mon papa, à l’époque a refusé de m’inscrire à l’école car il voyait en moi son héritier. Depuis lors, je suis cette voie.
Je suis Doso, et quand tu entends Doso, je suis un « SOMA » (un grade dans la confrérie). Nous allons en brousse pour chasser, nous avons des connaissances médicinales grâce auxquelles nous aidons beaucoup de gens à retrouver la guérison et nous résolvons également d’autres situations pour eux. Pour la société aussi, à la faveur de chaque nouvel an, nous faisons des sacrifices pour que l’année soit bonne et prospère. C’est comme ça que nous avons trouvé nos vieux et nous suivons la même voie.
Mon papa s’appelait Kountané Dramane Soma. Il a fait beaucoup de biens et tout le monde le connaissait à Banfora. C’était un grand chasseur et il résolvait pas mal de situations. Ils étaient un certain nombre de vieux qui travaillaient ensemble. Ils avaient des connaissances mystiques et si la nation avait un problème, ils se retrouvaient et faisaient ce qu’ils savaient pour conjurer les mauvais sorts.
« Si dès le départ, les autorités nous avaient pris en compte, l’insécurité n’allait pas atteindre le stade qu’il a atteint ».
Le gouvernent Burkinabè a décidé d’instituer une journée de la tradition chaque 15 mai. Comment appréciez-vous cette décision prise au plus haut sommet de l’Etat qui vise un retour à nos valeurs traditionnelles dont vous êtes un des gardiens bien connus à Banfora ?
Vraiment, de notre côté, nous apprécions vivement cette décision. Nous sommes très contents et si nous soutenons que nous sommes contents, c’est le fait que nous allons opérer un retour à nos sources, à nos valeurs anciennes. Tous les régimes qui se sont succédés, n’ont pas eu une telle innovation pour nos connaissances traditionnelles. Alors que quand tu entends connaissances traditionnelles, c’est en fait pour la société. Il y a plusieurs sortes de connaissances ancestrales. Vous avez les « Mory » et les féticheurs puis les « SOMA ». Je fais partie de ceux qui ont les fétiches (rires). Maintenant si ce nouveau régime nous accorde une telle importance, vraiment, nous sommes heureux. Nous saluons le Président Ibrahim Traoré pour cette grande considération. Les ancêtres mêmes vont se réveiller car eux aussi en sont très fiers.
Pouvez-vous nous expliquer la différence entre les Mory, les Dozo et les féticheurs ?
Il y a une grande différence. Pourquoi je dis qu’il y a une différence, ce que le Dozo peut faire, le Mory ne peut pas le faire. Ce que le SOMA peut faire, le Mory ne peut pas le faire. Mais ce que le SOMA peut faire, le Dozo peut le faire, ce que le Doso peut faire, le Soma peut le faire. Mais le Mory ne peut pas faire ce que nous faisons. Ils ont aussi leur travail à part. Maintenant, avec l’insécurité, tout le monde sait que nous tous nous faisons ce que nous pouvons faire pour la patrie. Nous travaillons dans le sens d’aider le Président du Faso. Même s’il ne vient pas nous voir, nous savons que ce que nous faisons, c’est pour la cause de la patrie. Il faut que nous jouions aussi notre partition. Si vous le constatez, nos jeunes Dozo, nous les avons placés dans les brousses après les avoir préparés puis les enrôler comme VDP et nous veillons sur eux. Souvent nous faisons des pratiques qui empêchent même l’arrivée des terroristes. Et mêmes s’ils viennent, nous les mettons en déroute.
Dites-nous, au début de l’insécurité au Burkina, les autorités du pays à l’époque vous ont-ils associé à la lutte dès le départ ?
En vérité, elles n’avaient pas tenu compte de nous. Si elles nous avaient pris en compte, l’insécurité n’allait pas atteindre le stade qu’il a atteint. Ça n’allait pas arriver là-bas. Mais toutes chose a son temps. Maintenant qu’elles ont pris conscience en nous associant, nous croyons avec la volonté de Dieu que nous pourrons contribuer à barrer la route aux terroristes. Les autorités actuelles nous ont associés, nous allons montrer ce dont nous sommes capables à travers notre savoir-faire. Avant, nous voyions le problème du pays, mais c’est à qui nous devons aller nous confier ? Tu ne peux pas aller le dire à une autorité, donc tu te tais. Maintenant, les sacrifices que tu peux faire, tu les fais afin que Dieu protège la nation. Alors que, si nous avions une ouverture pour approcher les autorités, rien n’allait nous surprendre. Mais je sais que c’est cette voie qui est empruntée dorénavant. Nous voulons que les autorités du pays nous considèrent avec le sérieux qui s’impose. Si elles peuvent même mettre en place une structure dans ce sens, nous serons très contents. Sinon, rien ne peut nous surprendre.
Cela voudrait-il dire que les émissaires du gouvernement doivent vous consulter, vous aborder à intervalle de temps régulier pour connaitre vos avis ?
C’est exactement ce que nous attendons des membres du gouvernement. S’ils le peuvent, nos souhaits, c’est de nous trouver un ministre au sein du gouvernement pour mieux nous écouter. Cela va beaucoup nous plaire car les échanges seront plus directs et nous pourrons ainsi traiter les questions liées à la nation. Nous allons mieux nous pencher sur ce qui doit être fait selon nos traditions. Je me rappelle que nous avions eu ces genres d’initiatives sous le Président Blaise Compaoré. Il avait dans chaque localité ses féticheurs. Et j’en faisais partie. Je ne vais pas tourner autour du pot, je faisais partie de ses féticheurs. Si vous voyez à l’époque, je ne dis pas qu’il n’y avait pas des problèmes, mais en vérité, il y avait cette veille et rien ne pouvait véritablement le surprendre. Même s’il y avait une situation, elle se calmait immédiatement après.
En tout cas, le pouvoir de Blaise Compaoré avait perçu cette nécessité et je me rappelle que nous avions eu à échanger directement avec lui. Il nous prévenait qu’il ne voulait pas de conflits ethniques, ni religieux. Cette rencontre nous l’avons tenu à Ziniaré. Donc, nous prions Dieu afin que l’actuel Chef de l’Etat puisse respecter ce côté nous concernant. S’il plait à Dieu, le Burkina va retrouver la paix et très vite d’ailleurs.
Comment prévoyez-vous la toute première édition de la journée du 15 mai ?
La date du 15 mai, vraiment nous sommes contents et nous la préparons. Mais tout ce tu prépares, si tu n’as pas la force, surtout financière, tu ne peux rien. C’est là-bas qu’il y a notre faiblesse, car les Dozo n’ont pas la force sur le plan autoritaire. Nous nous sommes concertés avec certains confrères et nous avons prévu de faire quelque chose. Personnellement, je ferai des sacrifices exceptionnels au nom de la patrie. Je détiens des pouvoirs ancestraux que je consulterai exceptionnellement ce jour. S’il plait à Dieu, la promesse sera tenue, tout cela, pour le bien de la patrie. Comme notre président, le Capitaine Ibrahim Traoré a pensé à nous les féticheurs et les Dozo en nous dédiant une grande journée, nous allons aussi lui démontrer que nous sommes contents. Nous allons faire honneur à nos ancêtres que nous allons implorer de nous aider. Nous allons tenir ce pari.
Dites-nous exactement quel est le genre d’attente que vous avez des plus hautes autorités du pays dans le sacre de l’organisation et de la commémoration de cette première journée des traditions ?
Vous savez, là où il y a la connaissance mystique, surtout dans notre région des Cascades, nous voulons le respect. Par exemple, est-ce que c’est moi qui vous ai fait appel ? Non. C’est parce que vous savez qui je suis que vous êtes venus pour vous entretenir avec moi sur cette question. C’est ce genre de considérations que nous attendons des autorités. Nous considérer car après tout nous détenons un savoir et un pouvoir pour ce pays. Mais nous n’avions pas d’interlocuteurs. C’est comme si tu sais qu’il y aura le feu à tel endroit, mais tu ne sais pas comment prévenir et parer à ce feu. C’est cela qui était notre principale difficulté. Aujourd’hui, ce que nous voulons, c’est de la considération pour notre rôle dans la société. Si cela est fait, vraiment, s’il plait à Dieu, nous auront le courage pour jouer notre partition.
Dites-nous quelle est l’étendue des pouvoirs de la confrérie des Dozo et votre capacité réelle ?
Ce sont les Dozo qui sont à la base de la création des villes et des villages. Si tu entends le non d’un village depuis que nous sommes nés, ce sont les Dozo qui l’ont créé pour la plupart. Ils partaient s’installer en brousse et c’est ensuite que les populations les rejoignent. Ce que nous implorons au bon Dieu avec ce que nous possédons pour aider le pays, ce sont nos pouvoirs. Si vous entendez Dozo, ce n’est pas une personne insignifiante, c’est un homme qui maitrise les pouvoirs de la nature. Il connait la nature, les plantes, il connait les secrets de la nature. Il maitrise la brousse, les routes et il sait que s’il agit de telle manière, voici le résultat qu’il doit obtenir. Nous le savons et ce sera notre apport pour la patrie, pour le gouvernement.
Nous espérons que le président Ibrahim TRAORE effectuera une sortie dans les Cascades et que nous aurons l’occasion de lui faire nos bénédicitions
Avant cette décision gouvernementale de célébrer la journée de la tradition, est ce que vous aviez pris des initiatives personnelles contre les terroristes et en faveur du retour de la paix au Faso ?
C’est une très bonne question. Nous avons déjà beaucoup œuvré depuis lors et jusqu’à présent, nous ne dormons pas. Nous avons travaillé depuis la ville de Banfora jusqu’à Koutoura (village rattaché à la commune de Niangoloko). Mon papa venait de Koutoura mais nous sommes nées à Banfora. Le village de Koutoura était très menacé par les terroristes et je me suis déplacé là-bas. J’ai fait ce qui était dans mes pouvoirs. J’ai fait un travail au niveau des 7 entrées du village et en vérité, les djihadistes ont tout tenté mais ils n’ont jamais pu faire ce qu’ils désiraient. Ce n’est pas pour nous jeter des fleurs mais tout le monde était au courant que ce village était sous la menace terroristes. Ils étaient très « Wakés » mais ils ont tout tenté mais ils n’ont pas pu entrer dans le village. Ce que je pouvais faire aussi pour la protection personnelle des hommes, je l’ai fait. Chacun a apporté son poulet et je n’ai pas pris 5f avec quelqu’un. Jusqu’à présent les gens continuent de venir me consulter avec leurs poulets. J’ai un frère là-bas qui se charge d’accomplir les rites. Par la grâce de Dieu, si ça chauffe, ils arrivent à s’en sortir par la grâce des ancêtres.
J’ai une association Dozo dénommée « Gbafo Dozo ». J’ai beaucoup de jeunes Dozo. J’ai dit que le Président Ibrahim Traoré représente l’espoir de tout un peuple. Je sais qu’il cherchera à me connaitre et nous prions Dieu vraiment qui cherche à nous connaitre. Nous avons appris qu’il a effectué des sorties dans certaines régions mais il n’est pas encore arrivé chez nous. Nous l’implorons afin qu’il vienne dans les Cascades afin qu’on puisse le voir et lui prodiguer nos bénédictions. Sa venue nous tient à cœur.
Quelles sont vos ultimes bénédictions pour clore cet entretien ?
Mes bénédictions se résument à ce que le pays retrouve la paix. Surtout que le jeune qui s’est engagé pour le Burkina, qui est Ibrahim Traoré, vraiment, que Dieu le protège. Que le tout-puissant le protège de ceux qui pensent le trahir un jour. Nous prions pour que les ténèbres anéantissent les mauvaises personnes dès l’instant qu’elles auront l’idée de le trahir, que ce soit de jour comme de nuit. Que les personnes qui nourrissent des velléités de trahir le Burkina, que leurs mauvaises intentions se retournent contre elles-mêmes.
Propos recueillis par Sié Yacouba Ouattara et Go Mamadou Traoré.
Wangola Médias.