A Banfora, l’activité de taximan nourrit-il son homme ? Wangolā Médias a voulu trouver une réponse à cette question. 17h ce 21 Août 2023. Devant la CHR de Banfora, aucune trace de taxis. Nous empruntons plusieurs artères de la cité du paysan noir. Pas de taxis circulant dans les rues à Banfara comme c’est pourtant bien le cas dans d’autres grandes villes du Burkina. C’est la débrouille au sein des taximans et il faut du courage pour les quelques 5 taximans pour tenir le haut le flambeau.
A Wangolā Médias, l’idée a été d’aller à la rencontre des taximans de Banfora afin de découvrir les réalités liées à cette activité. 17h ce 21 août 2023, nous sommes devant le CHR de Banfora. Là, se garent souvent des taxis pour juste rendre service aux citoyens, malades et accompagnants moyennant une contrepartie financière. Nous n’apercevrons aucun taxi sur ces lieux. Nous empruntons plusieurs ruelles de la cité du paysan noir. Aucune trace de taxis. Direction alors devant la gare de Rakiéta. Là-bas, nous trouverons deux taxi garés. Nous nous arrêtons auprès d’un des propriétaires. Nous voyant et croyant avoir affaire à un client, il sera vite déchanté. Tournant ses talons, il traverse le bitume sans aucune forme de commentaire il nous abandonne devant son taxi. Son collègue ayant suivi la scène et qui nous connaît vient vers nous. Depuis quelques années déjà, ce sexagénaire est actif dans le domaine des taxis, précisément depuis les années 2007. Jules Sié Dabiré, puisse que c’est de lui qu’il s’agit, est lui plutôt très réceptif en nous abordant. « Le taxi marchait. Maintenant sa rentabilité a beaucoup baissé. Ça vaut plus de 5 ans que ça ne marche plus », nous déclare Jules Dabiré qui pointe un doigt accusateur sur l’arrivée des motos-taxis communément appelés tricycles et qui sont venus « arracher » leur marché.
Selon Jules Sié Dabiré, c’est grâce aux contacts téléphoniques que les taximans gagnent quelques sous de temps en temps
Comment s’en sortent-ils ? C’est souvent par des contacts téléphoniques qu’ils ont sollicités. En clair, c’est ceux qui ont besoin de leurs services qui les appellent. « C’est grâce à ces contacts que nous gagnons un peu », poursuit-il expliquant que c’est le fait qu’ils sont âgés qu’ils se concentrent sur cette activité pour avoir le prix de la popote. « Actuellement, il n’y a rien de rentable dans le taxi à Banfora » précise t-il.
Jules Sié Dabiré, explique par ailleurs que les moto-taxis à deux roues sont venus compliquer davantage la situation après les tricycles. « Les trois-pieds » prennent les bagages. Maintenant quand les gens arrivent et sont pressés, étant seules ils prennent le taxi-moto à deux roues », a accusé ce dernier.
Comment ces taxis motos peuvent venir ravir la vedette aux taxis traditionnels ? Est-ce le fait des tarifs appliqués ? Les prix pratiqués étaient de 500f. « Si tu prends 500f, de Rakiéta tu vas faire des kilomètres jusqu’à Tatana au secteur no 15, ça ne nous arrange pas pendant que les gens vendent le litre d’essence à plus de 800f », se défend le taximan qui souligne que si les clients sont deux par exemple, ils les font payer 1000f. Mais étant seule ils exigent 1000f car après la course, le taxi revient vide devant la gare où ils se stationnent.
Jules Sié Dabiré « Avant le taxi marchait à Banfora, mais plus maintenant avec les moto-taxis et tricycles »
Devant la gare de Rakiéta, ils sont 3 taximans à faire le pied de grue pour attendre les voyageurs qui descendent des cars. Au début, ils payaient 7000f de taxes par an à la mairie. « Mais on n’a rien. Si tu dois faire un mois sans avoir 50 000f et tu dois te nourrir dans ça, tu ne peux pas tenir », martèle Jules Sié Dabiré, qui n’oublie pas d’invoquer l’entretien du véhicule. Il fait noter qu’au début, une association avait été créée pour défendre les intérêts des taximans. Mais à ce jour, comme rien ne va, beaucoup de membres ont abandonné et sont partis voir ailleurs. « Tous ceux qui étaient jeunes sont partis parce que ce travail ne permet pas de s’occuper convenablement d’une famille », soutient notre interlocuteur.
Les trois taximans qui stationnent devant Rakiéta sont tous des personnes âgées et pour Jules Sié Dabiré, l’activité leur permet juste de se maintenir. L’insécurité aussi que vit le Burkina depuis quelques années n’est pas pour arranger la situation des taximans. Ils étaient sollicités pour amener les touristes sur les sites touristiques de la région. Actuellement le secteur touristique battant de l’aile, cette source de revenus a tari.
Olivier Paul Bama invite les Banforalais à intégrer le taxi dans leurs habitudes
La seule source sûre de revenus pour les taxis reste les appels pour amener un malade à l’hôpital ou le ramener à la maison après un séjour en soins. C’est devant le Centre Hospitalier Régional ( CHR) de Banfora que nous trouverons Paul Olivier Bama, un taximan dont l’âge est aussi avancé. « Nous rencontrons trop de difficultés. Vous voyez, on ne peut même pas sillonner la ville. Tu te stationnes, si tu gagnes un client tu vas le déposer et tu reviens te stationner », explique ce dernier pour qui les gens ne s’intéressent pas aux taxis à Banfora. Embouchant la même trompette que son collègue Dabiré, il dira que c’est faute de mieux et au regard de leur âge qu’ils s’accrochent. C’est depuis 2013 que Paul Olivier Bama a fait ses premiers pas dans le domaine. « Comme ça ne marche pas, je vais de temps en temps à la SOFITEX pour des contrats occasionnels », explique ce dernier qui supplie les Banforalais de s’habituer aux taxis pour leur survie de l’activité.
La situation des taxis est donc assez préoccupante dans la cité du Paysan noir. De plus d’une dizaine de taxis au début, il en reste seulement 5 à ce jour. Les autorités municipales sont du reste imprégnées de la situation après des rencontres où les taximans disent avoir expliqué leur situation. Toutefois, un contraste désolant demeure. La ville continue de s’agrandir et le nombre des taxis continuera de baisser si rien n’est véritablement entrepris.
Wangolā Médias.