RUES VIDES, ENFANCES EXPOSÉES : CE QUE DISENT LES ADOLESCENTS DE BANFORA.

À Banfora comme partout au Faso, le quotidien des adolescents se vit désormais avec retenue. Dans plusieurs quartiers de la ville, les rues, les six-mètres et d’autres espaces naturels qui servaient autrefois de terrains de jeux se vident plus tôt que par le passé. La peur de l’insécurité, des enlèvements d’enfants et des mauvaises fréquentations modifie les habitudes. Pour les adolescents, cette réalité se traduit par une liberté réduite et une vigilance permanente.
Quand sortir devient un risque !
En fin d’après-midi, dans certains quartiers de Banfora, les groupes d’adolescents se font rares. Beaucoup préfèrent rentrer tôt ou rester à la maison.
« Quand on sort, nos parents demandent toujours où on va et avec qui », explique Barakissa, 15 ans, élève en classe de 3e. « Ils ont peur qu’il nous arrive quelque chose. » Cette crainte parentale, largement partagée, est devenue un élément structurant de l’adolescence dans nos villes.
« Nos parents ont peur » : grandir sous vigilance permanente.
Pour ces jeunes, la prudence est désormais une règle implicite. Certains lieux sont évités, certaines fréquentations surveillées. « Il y a des endroits où on n’ose plus aller », confie Estache, 16 ans, élève en classe de 2de C. « On nous dit de faire attention aux adultes qui proposent de l’argent ou des cadeaux. »
Ces propos traduisent une conscience aiguë des risques, mais aussi une perte progressive de l’insouciance propre à l’âge.
Peu de lieux pour être jeunes.
En dehors de l’école, les adolescents disent manquer d’espaces adaptés pour se retrouver. Les terrains de sport sécurisés sont rares, les activités culturelles peu fréquentes. « On veut juste se retrouver entre amis, jouer ou discuter », témoigne Karim, 17 ans, élève en classe de 1re D. « Mais quand il n’y a pas d’endroits prévus pour nous, certains vont ailleurs. »
Ce manque d’infrastructures pousse certains adolescents à se rassembler dans des lieux isolés, souvent sans encadrement.
Quand les cadres manquent, les dérives apparaissent.
Les acteurs de la protection de l’enfance observent les conséquences de ce vide. Madame BONKOUNGOU/SAWADOGO Mariam, présidente de l’association RAMZIA, évoque des pratiques organisées entre adolescents.
« Il existe ce qu’ils appellent le système de “plan z” », explique-t-elle. « Des adolescents cotisent de l’argent, louent des villas, consomment de la drogue et ont des rapports sexuels. »
Si certaines de ces pratiques ont été démantelées, leur apparition souligne l’absence de cadres sécurisés et structurants pour les jeunes.
Entre adolescents, des pratiques qui inquiètent.
Selon les témoignages recueillis, les dérives ne concernent pas uniquement les relations entre adultes et mineurs. Elles apparaissent aussi entre adolescents, sous l’effet de la pression du groupe et de la recherche de reconnaissance. Consommation de stupéfiants, sexualité précoce et imitation des comportements adultes sont évoquées par plusieurs sources.
Abus et harcèlement : des réalités difficiles à dire.
Les adolescents parlent peu ouvertement des abus sexuels. Pourtant, les travailleurs sociaux indiquent recevoir régulièrement des signalements. « Il y a des cas de harcèlement sexuel, d’abus et parfois de viols », affirme madame BONKOUNGOU. Elle rappelle que « tout rapport sexuel avec un mineur reste une infraction, même lorsque l’enfant pense être consentant ».
Ces situations sont souvent entourées de silence, par peur ou par méconnaissance des recours existants.
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Savoir que le danger existe, sans toujours savoir se protéger.
La majorité des adolescents interrogés disent être conscients des risques, sans toujours savoir comment réagir.
« À l’école, on nous parle un peu de ces choses », confie Barakissa. « Mais on ne sait pas toujours à qui s’adresser si ça arrive. » Ce manque de repères clairs renforce la vulnérabilité des jeunes face aux situations à risque.
Le silence qui fragilise .
Pour les acteurs de terrain, l’absence de dialogue reste un facteur aggravant. Le silence autour de la sexualité, des drogues et des violences prive les adolescents d’outils de protection.
« Informer un adolescent, c’est déjà le protéger », insiste la présidente de RAMZIA. « Mais il faut aussi créer des environnements sûrs. »
Famille et école : des repères attendus.
Les adolescents rencontrés expriment un besoin d’encadrement. « Si on est bien suivis, on peut éviter beaucoup de problèmes », affirme Karim.
Les travailleurs sociaux soulignent le rôle central des familles dans le suivi quotidien des enfants, mais aussi celui de l’école, appelée à renforcer l’écoute et l’accompagnement psychosocial.
Se distraire, mais en sécurité.
La question des loisirs revient régulièrement dans les échanges avec les adolescents. Ils disent vouloir se distraire, sans se mettre en danger.
« La distraction ne se résume pas au sexe », rappelle madame BONKOUNGOU, plaidant pour le retour d’activités culturelles et sportives encadrées.
Malgré tout, des rêves bien vivants.
Malgré les contraintes, les adolescents de Banfora et partant, du Burkina en général, continuent de nourrir des ambitions.
« On sait que la vie est difficile, mais on veut réussir », confie Estache.
Dans une ville où les rues se vident, leurs rêves, eux, restent bien présents. Écouter leurs voix, c’est reconnaître leur place et poser les bases d’une protection plus efficace.
Boubak KARAMA
Wangola Médias



