La balade de Djéliba à Banfora

Ô Banfora, cité du paysan noir, terre où le Lobi, fier comme l’arbre de karité, sert royalement le Gouin, le Karaboro et le Turka, dans un partage ancestral de respect et de fraternité.
Ville-carrefour, berceau des cascades, tu dresses ton manteau de verdure aux voyageurs fatigués par les nids de dindons.
Tes collines s’inclinent comme des reines au salut, tes champs de canne à sucre s’étendent comme des tapis verts, et tes manguiers généreux offrent des fruits doux comme le miel.
Ô Banfora, terre de brassage, terre de palabres apaisées sous l’arbre à palabres,
Toi qui accueilles l’étranger avec l’eau fraîche de la calebasse, toi qui fais danser le Tchémélé aux sonorités de balafon, toi qui donnes à voir des créatures belles comme l’aube, des femmes parées de pagnes chatoyants, et des hommes au port digne, gardant encore la fierté de leurs ancêtres paysans.
Banfora, perle des Cascades, quiconque pose ses sandales dans tes contrées, emporte avec lui un parfum d’hospitalité, un écho de tes chants, et le souvenir de tes paysages où la nature épouse la sagesse des hommes.
Mais hélas, mes frères, mes sœurs,
Moi, Djéliba le griot, fils de la parole, de passage dans ta belle cité pour espérer quelques billets de la part de mes généreux donateurs, mes yeux ont vu une plaie, une douleur, une scène d’un autre âge.
À l’agence d’une banque, maison des billets et des chèques,
j’ai vu des pères aux fronts chargés d’inquiétudes, des commerçants pressés, des fonctionnaires fatigués, rangés en longues files interminables, debout, comme des captifs du temps. Ils n’étaient pas venus mendier, non ! Ils réclamaient seulement ce qui leur appartient : le visa d’un chèque, le souffle d’un espoir.
Mais là, ô Banfora, le temps s’allonge comme la saison sèche : une heure, deux heures, quatre heures parfois cinq, et débout comme en faction. Moi qui croyais que ces scènes n’étaient visibles que dans les gros villages du Djôrô, quelle surprise de constater qu’au cœur de Banfora, le grande Banfora des Cascades, l’homme perd encore sa journée devant un simple guichet.
Ô chers responsables,
Ecoutez la voix de Djéliba, car je ne parle pas pour moi seul. Je porte le cri de ceux qui se taisent, je donne voix à ceux qui baissent la tête.
Banfora mérite un service digne,
Banfora mérite un accueil respectueux,
Banfora mérite mieux que la fatigue de ses enfants épuisés devant un simple guichet. Car une banque qui fatigue son peuple n’est pas une maison de vie, mais une maison de peine.
Wangola Médias