Amidou Ouattara attaché de santé en anesthésie, retraité après 38 ans de service : je dois un grand merci et une fière chandelle à l’ensemble de mes collaborateurs.
3 août 1963- 3 août 2023, l’attaché de santé, spécialiste en anesthésie-réanimation, Amidou Ouattara, du haut de ses 60 ans a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. On peut dire sans risque de sa tromper qu’il est l’un des plus jeunes retraités de la fonction publique burkinabé. Un statut que tout fonctionnaire burkinabé souhaite atteindre. En cette heureuse circonstance, la rédaction de Wangola Médias est allée à sa rencontre pour recueillir au détour d’un entretien, ses souvenirs, ses sentiments et conseils à la jeune génération.
Wangola Médias : Depuis le 3 août 2023, vous avez été admis à faire valoir vos droits à la retraite. Quel a été votre cheminement ?
Amidou Ouattara : il faut dire qu’au 3 août 2023, cela me fait 38 ans de service. J’ai été engagé dans la fonction publique burkinabé depuis 1985 dans le corps de la santé. J’ai eu un parcours un peu difficile puisque c’était sous la révolution et les choses n’étaient pas aussi simple que de nos jours. Mais avec le courage et l’abnégation, quand bien même je suis rentré au bas de l’échelle, aujourd’hui où je quitte la fonction publique étant quelque peu au sommet de l’administration de la santé. L’un dans l’autre, on peut dire que j’ai progressé dans ce métier puisque je suis rentré comme Infirmier breveté et je sors en tant qu’attaché de santé. Depuis que je suis attaché de santé, cela fait 20 ans, je n’ai exercé qu’au CHR de Banfora où j’ai occupé pendant près d’une dizaine d’années les fonctions de major du service d’anesthésie réanimation.
Quelles ont été les péripéties de ce parcours combien exaltant ?
Il faut dire ça n’a pas été assez simple. Mais ce que je retiens, c’est qu’il faut savoir aimer son métier. Sinon au début, il y a des circonstances que vous pouvez rencontrer qui peuvent vous décourager. Il y a également des moments où en réalisant certains exploits, vous êtes fiers d’appartenir à ce corps qui a pour vocation de sauver des vies. Si on prend le métier d’anesthésie-réanimation, il faut dire que mes débuts n’ont pas simple à Banfora. A l’époque, il n’y avait pas de médecin-réanimateur et il y avait très peu d’attachés de santé en anesthésie-réanimation. Donc ce n’était du tout simple. Il y a eu des situations où on rentrait en salle d’opération et on n’était face à des surprises qu’il fallait gérer tout de même. Mais je dois dire que depuis un peu plus de quatre ans, le CHR de Banfora a un médecin-réanimateur et les choses sont devenues beaucoup plus simple. Dans le temps, il nous revenait de prendre la décision pour faire entrer le malade a bloc.
Amidou Ouattara, nouvellement admis à faire valoir ses droits à la retraite
Aujourd’hui, après toutes ces péripéties, vous êtes admis à faire valoir vos droits à la retraite, quels sont les sentiments qui vous animent ?
Il faut dire que c’est un sentiment de fierté. Dans la mesure où travailler dans la santé humaine n’est pas assez simple. Vous voyez que j’ai assez de cheveux blancs. C’est simplement parce que dans le métier d’anesthésiste, il y a des moments où tu as à réfléchir beaucoup. Ça fait qu’on a toujours des sueurs froides, et ça te fait vieillir plus que ton âge. J’ai traversé des moments difficiles mais aussi des moments où tout s’est bien passé. Et aujourd’hui, en partant à la retraite, il y a peut-être un pincement au cœur parce que je quitte une famille avec laquelle j’ai partagé 20 ans de ma vie pour certains et 38 ans pour d’autres. Je crains de me retrouver un peu désœuvré mais je crois que l’un dans l’autre, je me dois de me satisfaire de ce que j’ai eu comme parcours dans la fonction publique et de ce que j’ai pu donner de moi-même à la population comme effort.
Quels sont les souvenirs que vous gardez de votre parcours ; bons comme mauvais ?
Si je peux commencer par les mauvais souvenirs, il faut dire que dans l’exercice de mon métier d’anesthésiste, j’ai perdu en salle 3 patients durant les 20 ans que j’ai passé au bloc opératoire du CHR de Banfora. Ce sont des moments qui ne sont pas du tout agréables pour un agent de santé. Quand tu rentres avec un malade et que celui-ci doit ressortir les pieds en avant, ce n’est pas du tout gai et ce n’est le souhait d’aucun agent de santé. Mais à côté, il y a eu des moments où tout le monde a donné pour mort certains malades mais, tu prends courage, tu le fais entrer pour sa prise en charge et tu ressors avec lui sain et sauf. Je me rappelle le cas d’un enfant qu’on a reçu il y a quelques années de cela. Tout le monde le donnait pour mort, même ses parents qui s’étaient refusés d’honorer la moindre ordonnance. Sans connaitre l’enfant, j’ai personnellement décidé de le prendre en charge, en honorant toutes les ordonnances. On est rentré avec le malade en salle et tout s’est bien passé. Cinq ans après, on m’a présenté le même enfant au CHR et j’ai très heureux de le revoir. On le reconnaissant à peine. Il était très en forme et les parents n’avaient d’admiration que pour moi.
Aujourd’hui vous êtes admis à la retraite, quels conseils avez-vous pour vos jeunes frères ?
Tout d’abord je dois un grand merci et une fière chandelle à l’ensemble de mes collaborateurs. Nous avons abattu un travail énorme et formidable durant tout le temps que nous avons passé ensemble. Je voudrais conseiller à mes jeunes frères et certains sont des neveux et des fils, de vraiment aimer leur métier. Il faut qu’ils aiment ce qu’ils sont en train de faire. Certains sont rentrés dans le corps de la santé peut-être parce qu’ils n’avaient pas d’autres choix mais je dis qu’on peut apprendre à aimer ce que l’on fait. Ne dit-on pas qu’une vocation acquise vaut mille fois mieux que celle innée ? Le corps de la santé est un noble métier et nous pouvons le voir, les agents de santé jouissent d’une bonne notoriété au sein de leur communauté.
« Certains sont rentrés dans le corps de la santé peut-être parce qu’ils n’avaient pas d’autres choix mais je dis qu’on peut apprendre à aimer ce que l’on fait. Ne dit-on pas qu’une vocation acquise vaut mille fois mieux que celle innée ? »
Il y a une vie, professionnelle on peut le dire, après la retraite. Que comptez-vous entreprendre après avoir servi la fonction publique ?
A un moment donné, je me suis senti interpellé à servir les populations au-delà de mes occupations d’attaché de santé en anesthésie-réanimation. Pour cela nous avons, avec un collègue en l’occurrence Amadou Ouattara, mis en place une association qui s’appelle Initiative Communautaire de Prise en Charge (ICPC) et j’ai essayé autant que je pouvais de gérer cette structure tout en assurant les responsabilités qui étaient les miennes au CHR. Maintenant que je suis libre, je vais me consacrer totalement à l’association parce qu’à travers ce que nous y faisons, nous aidons les populations à recouvrer leur santé. Dans cette structure, nous couvrons beaucoup de domaines à savoir la malnutrition, le VIH, la tuberculose, le paludisme et bien d’autres. Je suis toujours utile à la population. Nous avons d’ailleurs postulé pour un projet compte tenu du contexte sécuritaire avec son corolaire de PDI. Notre objectif dans ce projet est rapprocher les soins le plus possible des PDI.
Wangola Médias a tendu le micro à certains collègues du nouveau retraité Amidou Ouattara. Ils nous livrent ici leur réaction. Lisez !
« C’est un grand travailleur et c’est ensemble que nous avons tissé des relations »
Amadou Ouattara : Il faut reconnaître, l’homme, je l’ai connu pratiquement dans les années 1998. Nous avons cheminée ensemble dans le district sanitaire de Orodara. C’est un grand travailleur et c’est ensemble que nous avons tissé des relations. Après sa formation, il m’a devancé à Banfora. Je l’ai ensuite rejoint et comme nous sommes des amis, nous avons continué cette amitié. Directement, nous avons eu l’idée de créer une association et voilà, nous sommes des collaborateurs. Donc depuis lors, nous travaillons ensembles en parfaite symbiose. Au niveau du CHR, d’ores et déjà, comme c’est un grand travailleur car il aime sincèrement son travail, ce qui fait qu’il arrivait à mobiliser. En tout, il partage ses connaissances et ça fait que c’est un monsieur qui est aimé. Que ce soit au niveau du service même au niveau de nos supérieurs, il a été en tout cas il a été toujours été interpellé. Il faut reconnaître qu’il joue d’une grande sagesse, donc, ça fait que à tout moment, les gens ont besoin de lui, il est toujours sollicité. Sincèrement, si c’est sur le plan travail, il va beaucoup nous manquer. C’est lui qui était le surveillant d’unité des soins au niveau des anesthésistes. Non seulement, c’était lui qui coordonnait les activités au niveau des services, et aussi, à tout moment quand on avait besoin de lui, on lui faisait appel pour ses expériences. Donc voilà pourquoi je dis qu’il va beaucoup nous manquer au service. Il est vraiment entreprenant, donc il est prêt à ses sacrifier et partager ses connaissances avec ses autres collègues.
« En tout cas, quand tu parles de lui à Orodara, on retient de lui un grand lutteur. »
Emile Ilboudo (ancien collègue de Amidou Ouattara) : Bien ! Je retiens de lui surtout un grand syndicaliste. Je l’ai connu en 1993 à l’école de santé. Il était revenu à l’école en tant que professionnel. Déjà à l’école, il organisait les jeunes frères et quand il y avait de petits problèmes, c’est lui qui menait les discutions avant de conduire les gens à la direction pour les gérer. Après l’école, il est allé à Orodara et là-bas aussi, il a ravivé le syndicat. En tout cas, quand tu parles de lui à Orodara, on retient de lui un grand lutteur. Vous savez, il a fait 20 ans à l’hôpital de Banfora et de ses 38 ans, vraiment il a abattu un travail incommensurable. Je vous dis qu’il a été secrétaire général du SYNTCHA à un moment donné jusqu’en 2008 et c’est moi qui l’a remplacé en 2009. On ne peut pas finir de le remercier pour ce qu’il a abattu comme travail. Quand il y avait une situation apparemment sans solution, quand vous appelez « Kôrô Ouatt » comme nous l’appelons affectueusement, il vous donnait des pistes et tout se réglait normalement. Je vous donne un exemple : pas plus tard que la semaine passée, il y avait des bisbilles internes personnels. Et c’est lui qui était à la tête du groupe pour aller régler ces questions entre nous d’une part et puis entre la direction et les travailleurs d’autre part. Vraiment, c’est un monsieur qui a beaucoup de qualités et je retiens de lui que c’est un monsieur qui est sans rancune. Vous pouvez vous bagarrer, vous dire du n’importe quoi, le lendemain, il sera le premier à vous payer la bière, excusez-moi du terme. C’est pour vous dire que c’est un monsieur sans rancune, vraiment, qui a ses convictions et on ne peut que lui souhaiter une bonne retraite. Bien-sûr, on aura besoin de lui pour ses conseils.
« Nous tenons aussi à ce qu’il sache que le personnel, les jeunes frères qu’il a laissés, sont toujours disponibles à l’accompagner. »
Koéta Ouiry Jean Marie (ancien collègue au CHR de Banfora). Je n’ai pas de mots à dire puisse qu’en fait, c’est un monsieur quand bien même il est venu nous trouver au CHR de Banfora, il faut reconnaître que c’est un homme qui s’est donné aussi bien sur le plan social, sur le plan professionnel que sur le plan syndical. Nous avons beaucoup appris de lui de par son expérience. Je ne suis pas anesthésiste mais j’ai bénéficié de ses connaissances. Avant moi, il y a beaucoup de gens qui sont des anesthésistes et qui ont bénéficié de lui quel que soit ton niveau. Nous avons bénéficié de lui. Et on ne peut pas parler de cet homme. Car c’est un homme qui a été de tous les combats. Comme je l’ai dit, sur le plan social, professionnel, syndical, je n’ai pas de mots. Vraiment, que Dieu l’accompagne. Nous tenons aussi à ce qu’il sache que le personnel, les jeunes frères qu’il a laissés, sont toujours disponibles à l’accompagner. Il nous a accompagné, il a fait tout ce qu’il pouvait et nul n’est Dieu. Nous avons tous des défaillances et à quelque part, peut être que nous jeunes frères nous avons failli par rapport à certaines choses. Nous lui présentons nos excuses. En tout cas, il nous a encadré et si à un moment donné il a été mal compris, nous lui présentons nos excuses. C’est un homme qui a été au four et au moulin. Nous lui souhaitons une longue et paisible retraite.
Propos recueillis par l’équipe de Wangolā Médias.
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