Nobila Mariam Maïga Ouédraogo s’exprimant sur le 8 mars : « J’ai vu des femmes subir leur sort sans pouvoir se défendre, des jeunes filles prometteuses quitter l’école pour des mariages forcés. »

Madame Nobila Mariam Maïga Ouédraogo, ce nom et le personnage qui l’incarne sont bien connus dans les milieux enseignants et bien au-delà de la cité du paysan noir. Femme acquise pour la cause des jeunes filles, la relève féminine, elle est la présidente de l’Association Vie d’Enseignante pour une Société Épanouie (AVISE). Son parcours de vie a été marqué par des épreuves, notamment la perte précoce de ses deux parents. Cependant, elle soutient avoir eu la chance de croiser sur son chemin des personnes bienveillantes, des enseignants dévoués, qui lui ont tendu la main et qui lui ont offert de l’affection. Ce qui a permis à l’orpheline qu’elle était de poursuivre ses études malgré mon statut d’orpheline. « Aujourd’hui, je mets mon expérience et mon énergie au service des jeunes filles vulnérables pour qu’elles puissent, elles aussi, avoir une chance de réussir et de s’épanouir », confie-t-elle à Wangola Médias, qui, à la veille de la célébration du 8 mars 2025, la journée internationale de la femme lui a tendu son micro.

L’AVISE regroupe principalement des femmes enseignantes qui doivent concilier plusieurs responsabilités : la gestion du foyer, leur travail professionnel et leur engagement associatif.
Wangola Médias : Quelle lecture faites-vous de la célébration de la journée internationale de la femme ?
Nobila Mariame Maïga Ouédraogo : La Journée internationale de la femme est bien plus qu’une simple commémoration. C’est une opportunité de réfléchir aux progrès réalisés, mais aussi aux défis qui restent à relever. C’est une occasion de mettre en lumière les compétences et le potentiel des femmes et des jeunes filles, souvent sous-estimées ou négligées. Célébrer cette journée, c’est aussi rappeler aux sociétés que le développement durable ne peut se faire sans l’inclusion et la valorisation des femmes. À travers l’AVISE, je m’efforce de renforcer cette vision en accompagnant les filles vulnérables dans leur parcours scolaire et en les encourageant à devenir des actrices du changement.
Étant femme, quelles sont les motivations qui vous ont amenée dans l’arène pour vous battre pour une société épanouie ? Vos revenus d’enseignante vous permettent de mener cette lutte ?
Mon engagement découle d’un vécu personnel et d’une observation profonde des réalités de notre société. Ayant grandie orpheline, j’ai été témoin de la bienveillance de certains et de l’indifférence d’autres. j’ai vu des femmes subir leur sort sans pouvoir se défendre, de jeunes filles qui avaient un avenir promoteur quitter l’école pour le mariage forcé, des familles se déchirer par manque de tolérance et souvent des collègues enseignants se diviser au détriment de l’éducation des élèves. Mon propre combat contre la maladie m’a également appris la valeur de l’entraide et de l’amour de la communauté. Toutes ces expériences m’ont forgée et poussée à agir, à créer des initiatives concrètes pour offrir aux filles vulnérables un soutien, une voix, une chance d’accéder à une vie meilleure.
Annonces – Publicités

Dans cette bataille, quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
L’AVISE regroupe principalement des femmes enseignantes qui doivent concilier plusieurs responsabilités : la gestion du foyer, leur travail professionnel et leur engagement associatif. Cet équilibre n’est pas toujours facile à maintenir. Il faut une bonne compréhension et un soutien constant de la part de la famille, des collègues de service et parfois même de la société, qui porte souvent un regard critique sur les femmes qui osent s’engager pour le développement de leur communauté.
Sur le plan organisationnel, il est parfois difficile de convaincre certaines personnes de la pertinence de nos actions et d’obtenir leur appui. L’AVISE fonctionne principalement grâce aux cotisations de ses membres. Cependant, toutes les enseignantes impliquées ne peuvent pas toujours être à jour de leurs cotisations, malgré leur bonne volonté. Cette situation rend complexe la gestion des charges financières.
Bien que certaines ONG nous fassent déjà confiance et soutiennent nos activités, il est fréquent que d’autres nous demandent des informations ou des compétences administratives spécifiques que nous n’avons pas toujours. De plus, l’éloignement de la région des Cascades par rapport à la capitale constitue un frein à l’accès aux opportunités de soutien, bien que nous sachions que le véritable changement se construira par l’effort collectif dans chaque région du Burkina Faso.

« Sans paix, il n’y a pas de développement possible, et sans paix, les femmes ne peuvent s’épanouir pleinement » dixit Nobila Mariam Maïga/ Ouédraogo.
Un appel à lancer, d’abord aux femmes et ensuite aux autorités ?
Nous tenons d’abord à exprimer notre profonde gratitude envers la population de la région des Cascades, nos collègues enseignants, nos supérieurs hiérarchiques et les autorités locales et qui ont adopté et soutenu l’AVISE depuis sa création. Leur accompagnement a été crucial pour mener nos activités et pour encourager l’éducation et l’épanouissement des jeunes filles. Nous sollicitons leur soutien continu pour nous aider à atteindre nos objectifs, car ce que nous faisons contribue non seulement à l’amélioration de l’éducation, mais aussi à préparer les filles à devenir des femmes autonomes et utiles à la société tout au long de leur vie.
Envers les plus hautes autorités, notre appel est d’accorder une attention particulière aux associations locales qui se battent au quotidien pour apporter un changement concret dans leur environnement. Nous pensons qu’en tant qu’association, nous jouons un rôle complémentaire aux actions gouvernementales. Un accompagnement renforcé des autorités permettrait de maximiser notre impact et de bâtir ensemble une société plus juste, plus instruite et plus épanouie.
Notre souhait ultime est de voir une société unie, pour le retour de la paix et de la sécurité dans notre pays. Car sans paix, il n’y a pas de développement possible, et sans paix, les femmes ne peuvent s’épanouir pleinement. En cette période de carême, nous prions pour que tous les vœux soient exaucés. Nous prions également pour nos forces combattantes, afin que leurs sacrifices soient couronnés de victoires. Que Dieu touche les cœurs de ceux qui sèment la terreur, pour qu’ils reviennent à des sentiments nobles et que notre chère patrie retrouve la stabilité et l’harmonie.
Propos recueillis par Sié Yacouba Ouattara.
Wangola Médias.