Monnayage des places dans les établissements publics : « l’école publique reste publique et le monnayage des places n’y est pas normal », dixit Sanogo Maga Martin.
Il y a quelques semaines, l’Autorité Supérieur de Contrôle d’Etat (ASCE), en prélude de la rentrée scolaire 2024-2025, interdisait le monnayage des places dans les différents établissements publics du pays. Un phénomène devenu inquiétant au fil des années et ajoutant à l’angoisse des parents d’élèves désireux d’inscrire leurs enfants dans les établissements publics. L’ASCE, à travers sa mesure, prévenait que ceux qui se feraient prendre s’exposent à la rigueur de la loi. Comment cette mesure est reçue par la coordination régionale des associations des parents d’élèves des Cascades ? A l’orée de la rentrée, nous sommes allés à la rencontre de Sanogo Maga Martin, président de ladite.
L’ASCE a pris une décision interdisant le monnayage des places au niveau des établissements publics. Comment votre coordination a accueilli cette décision ?
Je l’ai accueillie avec enthousiasme. Parce qu’avant d’être président des APE, j’étais proviseur pendant 25 ans. Ça été mon combat de tous les temps. L’école publique reste publique et il n’est pas normal que cette situation de monnayage de places s’y vive. Les gens peuvent monnayer leurs droits d’inscriptions mais ils ont exagéré. Sinon, ce que je connais très bien, il est donné à chaque enseignant, à chaque personnel dans les établissements du second degré, d’inscrire chaque année deux enfants dans son établissement. On peut avoir des protégés et en Afrique c’est ça. On peut aider des voisins, des amis, et ces places permettent de résoudre ces genres de problèmes sociaux. Mais il y en a qui n’ont pas de cas mais qui vont en créer parce qu’ils ont droit à deux places dans l’établissement. Ils ne veulent pas de pertes. Mais ce n’est pas obligé mais si on peut aider on doit aider. Je crois que les gens ont exagéré et c’est pourquoi l’ASCE a pris la mesure qui permet socialement de soulager les parents d’élèves. Je dis bien, c’est vraiment un soulagement parce que la pratique était allée trop loin. Vous voyez, on peut refuser de prendre des enfants qui sont régulièrement admis et les affecter dans les privés alors que leurs parents n’ont pas les moyens. Donc ce parent va courir avec son enfant pour rechercher la place dans le public. Les gens bloquent les affectations pour se faire de la place de recrutement en complément d’effectifs. Mais qui est prioritaire ? Ce sont les admis au concours d’entrée en 6è et en seconde. Ils sont prioritaires et doivent être entièrement affectés dans les établissements publics. Malheureusement, les enfants ne connaissent pas cela à leur inscription. Ils ne connaissent pas trop les orientations et ne font même pas bien la différence. Cela est un problème pour nous les parents d’élèves que nous devons prendre en main pour sensibiliser les autres parents. J’ai inscrit ce point dans mon programme d’activité de la prochaine rentrée scolaire. Parce qu’il faut que chaque bureau soit informé et sensibilise les parents à la base par rapport au remplissage des dossiers d’inscriptions aux examens et concours. Il faut que les parents d’élèves soient associés.
Président dites-nous comment cette pratique est devenue presque légale et le coût du monnayage augmente d’année en année ?
Comme je le disais, il y en a qui ont abusé de leur droit. On refuse en disant qu’il n’y a pas de places cette année à tel niveau. Parce qu’en fin d’année, certainement les enseignants qui ont évalué avec les enfants, il y a des redoublants, il y a des passants, mais le flux de ces redoublants et des passants fait que souvent il n’y a pas de possibilité de recrutement. Mais il y a quand même ces droits d’inscriptions et on a vu certains qui ont exagéré. On a même vu par le passé certains qui ont ouvert des guichets pour les demandes de places. C’est ça qui a amené le problème. Quand on cri aux effectifs pléthoriques, c’est ça qui fait qu’il y a toujours eu des problèmes entre le syndicat et l’administration. Parce que quand les gens font ces genres de recrutements, l’argent malheureusement n’est pas versé dans la caisse du COGES.
Le syndicat demande qu’on ne dépasse pas l’effectif de 71 élèves par classe ?
Je ne le combat pas mais tant que ce sont nos enfants, moi je leur demanderais toujours de faire plus et d’accepter. Sinon on fait quoi avec le surplus ? C’est vrai qu’il faut aussi demander à l’état de faire l’effort, de recruter assez de personnel et de construire des infrastructures. Parce que les parents d’élèves construisent et l’Etat doit mettre l’accent sur les infrastructures d’accueil. Si cela est fait et il y a assez d’enseignants, je pense que le syndicat sera entièrement satisfait. Je suis d’accord avec leur combat parce que pour enseigner efficacement, il y a une limite. Pour bien suivre les enfants, quand l’effectif est trop élevé, même s’il y a des méthodes pédagogiques appliquées, ce n’est pas aussi évident qu’un effectif réduit.
A quelques jours de la rentrée, dites-nous si la mesure d’interdiction de monnayage de places de l’ASCE est respectée. Si non, avez-vous des cas où les gens continuent de monnayer ces places ?
Pour le moment, sincèrement je n’ai aucun écho. Dans mon bureau de base j’ai une rencontre le lundi (hier). Peut-être que j’aurai des éco mais de façon générale, pour le moment, je n’ai pas d’informations. Je suis en contact avec la coordination provinciale de la Comoé. Au niveau de la Léraba, le problème n’est très important, il ne se pose pas avec acuité. C’est particulièrement dans la Comoé, précisément à Banfora et à Niangoloko. Mais pour le moment, je n’ai pas d’informations, aucun parent ne s’est encore plaint à notre niveau.
En tant que coordination régionale des associations de parents d’élèves des Cascades, qu’est-ce que vous avez entrepris dans la bonne mise œuvre de la mesure ?
J’ai précisé dans des message WhatsApp aux différents présidents des coordinations provinciales des APE les dispositions à prendre pour la rentrée. Dans ces dispositions, il y a cette mesure qui doit être observée. Aucune réunion des APE ne doit se tenir en dehors de l’établissement. Aussi, aucune réunion ne doit se tenir en l’absence du chef d’établissement ou de son représentant. Cette consigne est déjà passée.
Vos attentes pour cette rentrée des classes ?
Nos attentes sont que l’année se passe dans une atmosphère apaisée. Nous souhaitons tous du fond du cœur que la paix revienne au pays, que la situation sécuritaire s’améliore de jour en jour au fur à mesure afin que l’année scolaire se déroule dans de très bonnes conditions.
Vous avez été proviseur de ce grand établissement qui est le Lycée Lompolo Koné. Les élèves réclament à cor et à cris, des classes dignes de ce nom parce qu’ils prennent des cours dans des anciens dortoirs. Quel est votre appel à l’endroit du ministère de l’enseignement secondaire et supérieur et du gouvernement d’une manière générale par rapport à cet établissement qui porte le nom d’un grand fils de ce pays ?
Merci pour cette question. Avant même de m’adresser à l’Etat, je vais demander aux enfants d’avoir un état d’esprit patriotique. On fait avec ce qu’on a sous la main pour le moment en attendant que l’Etat assume ses responsabilités et mette des infrastructures dignes de ce nom. C’est depuis les années 1984 avec la révolution de Thomas Sankara que ces dortoirs ont été supprimés et transformés en salles de classes pour accueillir le maximum d’élèves issus du primaire. Donc, c’est toujours la même initiative qui est là et c’est pour permettre l’accès au maximum d’enfants. De ces classes sont sorties des gens aujourd’hui qui ont été ministres, ceci ou cela dans ce pays. Il faut que la jeunesse montante comprenne que quelque soit l’état de ces classes, je ne souhaite pas que ça suinte mais s’ils disent que ce sont des dortoirs, ils se sont trompés de combat. Ça fait 40 ans que les dortoirs ont été transformés en salles de classe et tous ceux qui sont passés par ces classes, cela ne les a pas empêchés de réussir. Je demande aux enfants qu’à défaut de la maman, on doit téter la grand-mère. Qu’ils acceptent en attendant que l’Etat mette les moyens à leur disposition. Aussi, que ceux qui sont passés par là-bas viennent appuyer. Que les anciens élèves entendent cet appel de la jeune génération pour aider l’Etat à réaliser ces infrastructures pour les nouvelles générations. Ce n’est pas au Lompolo Koné seulement il y a ce genre d’établissements, c’est un peu partout. Si je prends Ouahigouya il y a le Lycée Yadéga. Le lycée provincial de Koudougou, c’est également la même situation.
Quelque chose vous reste-t-il toujours sur le cœur ?
C’est la paix d’abord dans le pays. Particulièrement je ne comprends pas ceux qui refusent d’admettre notre combat de souveraineté. C’est très dommage parce que je crois qu’on a déjà raté en 1984 et depuis 2022, Dieu nous a donné le Capitaine Ibrahim Traoré. Il ne faut pas que nous rations encore cette échéance. Je demande à tous les fils et à toutes les filles du Burkina, de se donner la main pour que notre souveraineté soit garantie, pour que notre territoire soit vraiment conquis. Enfin, je souhaite une bonne rentrée scolaire à tous les enfants, à tous les parents d’élèves et à tous les acteurs de l’éducation.
Propos recueillis par Sié Yacouba Ouattara et Go Mamadou Traoré.
Wangola Médias.