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Collecte informelle de l’épargne : les péripéties d’un métier qui, pourtant, nourrit son homme

C’est un métier qu’exercent plusieurs personnes dans la ville de Banfora. Collecter l’épargne de façon informel dans le secteur informel. Il nourrit bien son homme mais également il présente des risques et comporte bien des péripéties.

Dans la cité du paysan noir, Banfora, ils sont nombreux qui exercent le métier de collecteur de l’épargne dans le secteur informel. Hommes, femmes, jeunes, personnes âgées en ont fait leur gagne-pain quotidien. La collecte, il la commence dès le lever du soleil et la poursuive jusqu’à la nuit tombée, souvent des heures reculées. Depuis le voisinage jusqu’au centre-ville, les collecteurs d’épargne parcourent les boutiques, marchés et yaar ainsi que les cabarets, buvettes et autres bar-dancing pour encaisser l’épargne de leurs clients. Le même circuit est bouclé chaque jour que Dieu fait. Ils sont munis de carnet pour les uns et de registres pour les autres chez qui le nombre d’épargnants est grand. A chaque que le client verse l’argent, le collecteur pointe devant son nom et il indique le jour sur une carte qu’il a remise à ce dernier. Ainsi à la fin du mois, le collecteur remet à son client la somme totale qu’il a cotisée en prenant cependant le soin de retenir le montant d’un jour, équivalent à sa rétribution.

Catherine Kambiré « Si la cliente épargne 500 F par jour, je retiens 500 F également ».

Si chez certains ça marche comme sur des chapeaux de roues, chez d’autres, le métier est dur. Catherine Kambiré fait partie des collecteurs d’épargne. Un métier qu’elle a embrassé lorsque le commerce qu’elle tenait à périclité. « Au début je vendais des pagnes à travers la ville. Je vendais à crédit et les clientes payaient à tempérament. Entre-temps, beaucoup de mes clientes m’ont joué un mauvais tour et j’ai perdu mon capital. Je me suis retrouvé à ne rien faire. Mais comme je ne peux pas vivre sans boulot, j’ai développé une autre stratégie qui consiste à collecter l’épargne de mes clientes dans un premier temps et dans un second temps, lorsque le montant collecté atteint le prix des pagnes ou de tout autre article qu’elles désirent, je lance une commande pour elles ». Catherine Kambiré explique qu’ainsi elle peut s’en tirer avec un bénéficie de 500 F par pagne puisqu’elle passe la commande en gros. A côté de celles qui veulent les pagnes, elle fait savoir qu’il y en a qui préfèrent la liquidité. Ainsi, au bout d’un mois de collecte de leur épargne, elle retient le montant d’un jour et leur remet le reste. « Si la cliente épargne 500 F CFA par jour, je retiens 500 F CFA également. Si c’est 250 F CFA qu’il me confie par jour, à la fin du mois, je lui remets son argent en retenant 250 F CFA. La paupérisation fait que je n’ai pas de cliente qui cotise plus de 500 F CFA par jour. Toutefois, ce n’est pas tous les jours que les gens arrivent à s’exécuter. Sur la vingtaine de clientes que j’ai, ce n’est pas tous les jours que toutes cotisent. Il arrive que je fasse le tour de mes clients, pour n’encaisser seulement que chez 5 personnes ».

Chaque versement est consigné dans ce type de carnet

Dame Kambiré reconnait que de nos jours, les collecteurs d’épargne dans le secteur informel sont devenus nombreux. Ce qui n’est pas pour arranger les choses car lorsque tout le monde se lance dans la même activité, il va de soi que des difficultés naissent. « En tout cas pour celles chez qui ça marche, c’est un métier qui nourrit son homme. Et il n’y a pas que les femmes seulement qui font ce métier. Certains hommes le font et en vivent dignement. Sinon me concernant, il arrive que je gagne 15 000 F CFA par mois mais lorsqu’on on tient compte des charges en terme de carburant, c’est décourageant. C’est pourquoi j’invite mes clientes à mettre un point d’honneur dans le versement régulier et quotidien de l’épargne. C’est vrai que certains clients ont fait les frais de la roublardise de collecteurs d’épargne qui à un moment donné ont pris la poudre d’escampette avec leur argent mais personnellement, j’offre plusieurs garanties à mes clientes ». A l’entendre, comme tout métier, celui de collecteur d’épargne comporte aussi des risques et des difficultés. Il arrive, dit-elle que des problèmes d’incompréhension surgissent entre elle et ses clientes. « C’est le cas par exemple avec une de mes clientes qui totalisait deux jours de retard. Lorsqu’elle m’a remis l’argent, j’ai coché les deux jours sur sa carte, mais elle a tenu mordicus en disant que j’ai coché un seul jour. Le débat a été tendu entre nous et pour ne pas trop tirer, j’ai dû cocher un jour supplémentaire » explique dame Kambiré. Elle ajoute qu’avant de confectionner son cachet, « j’utilisais un stylo en feutre. Un jour, une cliente, malgré son âge avancé, à utiliser un feutre pareil au mien en terme de couleur pour rattraper le retard de 4 jours qu’elle accusait. Au regard de son âge, j’ai eu froid aux yeux et je n’ai rien pu lui dire. C’est l’action de cette dernière qui m’a poussé à confectionner un cachet ».    

Wangola Médias

Quelques clientes de Catherine Kambiré s’expriment

Ramata Ouattara « Tout se passe bien pour moi »

Cela fait deux mois que j’ai commencé à épargner de l’argent avec Catherine Kambiré. Tout se passe bien et je m’aperçois au fur et à mesure que les jours passent que c’est une bonne chose. Déjà, j’ai pu m’offrir un complet de 3 pagnes sans sentir les effets de la dépense. Pour le mois prochain, je voudrais encore des pagnes et cela me donne du courage à poursuivre l’épargne avec elle.

Raïnatou « Il faut éviter de dépenser tout l’argent qu’on gagne »

Je viens à peine de commencer l’épargne avec Catherine Kambiré. J’ai vu mes camarades qui le font et je me suis dit qu’il faut que je m’y mette aussi. Nous ne gagnons pas beaucoup d’argent alors il faut éviter de dépenser tout ce qu’on gagne. Pour le moment, je m’en sors bien et au bout du mois, je voudrais un complet de 3 pagnes.

Sanou Bibiata « Il arrive des jours où nous n’avons rien à verser comme argent »

Je crois que Catherine Kambiré nous aide en collectant notre épargne. Je dis cela parce que si nous devons garder cet argent nous-mêmes, je ne crois pas que nous puissions en disposer de l’intégralité à la fin du mois. En tout cas ça sera difficile. De plus les montants que nous épargnons par jour sont si faibles que si ce n’est pas avec les collecteurs comme elle, nous ne pouvons épargner. En tout cas je compte poursuivre tant que j’aurai de temps en temps quelque chose à mettre de côté. Il arrive des jours où nous n’avons rien mais elle n’en fait pas un problème. 

Propos recueillis par Wangola Médias

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