Environnement

Biotechnologie : « C’est ce modèle qui permet à l’occident de s’en sortir », dixit le docteur Valentin Stanislas Edgar Traoré.

Le 28 septembre dernier, des présidents de délégations spéciales (PDS) de la région des Cascades, des représentants de faitières agricoles ainsi que des OSC ont échangé sur les enjeux de la biotechnologie au Burkina Faso à travers les semences améliorées. A quand le retour effectif des organismes génétiquement modifiés (OGM) au Burkina Faso ? Le chercheur à l’INERA, Dr Valentin Stanislas Edgar Traoré nous éclaire davantage sur les recherches en cours. « C’est ce modèle qui permet à l’occident de s’en sortir », affirme-t-il soutenant que l’Afrique ne doit pas rester en marge de cette technologie.

Dr Traoré Valentin Stanislas Edgar

Wangola Médias : Bonjour Docteur Traoré, dites-nous quels sont vraiment les avantages liés à l’utilisation des semences améliorées ?

Dr Valentin Stanislas Edgar Traoré : Il faut savoir que de tout temps, les hommes ont passé le temps à domestiquer les plantes parce que les premiers hommes vivaient de cueillette et de pêche. Et au fil du temps, ils ont commencé à comprendre qu’il fallait se sédentariser. Puis ils ont domestiqué leurs sources d’alimentation à travers l’agriculture avec grand « A » qui implique également l’élevage. Donc, ils ont domestiqué des plantes qui finalement ont été développées sous forme de variétés et aujourd’hui, les chercheurs au niveau de l’INERA continuent ce travail. Ce n’est plus de la domestication mais c’est une question d’améliorer les variétés pour pouvoir faire face aux multiples contraintes de l’agriculture qui varient en fonction du changement climatique. Vous avez quelques fois des inondations suivies de sécheresses et aussi des ravageurs de toutes sortes qui s’attaquent à nos cultures.

Donc, normalement de façon classique, les chercheurs font des croisements. C’est comme le mariage entre deux plantes qui ont des caractères intéressants mais chacun a son caractère. Donc on peut mettre les deux caractères en un. Pour faire ça, on fait la voie sexuée, c’est-à-dire qu’on fait le croisement entre ces deux variétés pour rassembler par exemple un caractère de résistance à la sécheresse avec un caractère de productivité par exemple. C’est-à-dire que vous pouvez avoir un sorgho qui a une grosse panicule mais qui malheureusement, fane à la moindre poche de sécheresse. Et vous avez un sorgho qui résiste à la sécheresse mais ses panicules sont faibles dues aux gènes. En croisant ces deux variétés, vous pouvez vous en sortir avec une lignée descendante des variétés qui vont avoir le caractère grosse panicule de l’un des parents et le caractère résistant de l’autre parent. C’est cette façon classique qui permet aux chercheurs de développer des variétés qui sont en tout cas de plus en plus intéressantes pour faire face à différentes situations. J’ai donné juste l’exemple de résistance à la sécheresse mais nous avons beaucoup d’autres cas qui impliquent les maladies et autres.

Maintenant, ce modèle classique n’est pas toujours possible car il y a des gènes qu’on ne peut même pas trouver dans l’espèce. Et aussi, ce modèle classique peut prendre plusieurs années. Donc au moment où on fait des efforts de recherches au bout de la huitième neuvième année, quand on est venu à bout et qu’on veut maintenant développer une nouvelle variété, il y a de nouvelles contraintes qui se présentent et ça ne permet pas de résoudre les problèmes. On est donc obligé de passer par des technologies plus modernes qui sont les biotechnologies et qui par voie conventionnelle, peuvent utiliser par exemple la sélection assistée par marqueur qui permet de suivre les gènes plus rapidement et de raccourcir le long temps de 7-8 ans à 5 ans pour développer une variété. On peut aussi l’utiliser pour rapidement associer les caractères d’intérêts qu’on veut.

Mais au-delà, cela nous permet d’aller vers des techniques plus modernes que sont les organismes génétiquement modifiés qui permettent d’avoir un gène intéressant dans une bactérie qu’on peut transférer à l’aide de technologies multiples dans notre plante de coton ou de maïs.

 Et c’était le cas du coton BT et ça pourrait être le cas du futur maïs BT qui pourrait venir soulager les paysans. Parce que si nous avons ce maïs, ça veut dire que les paysans ne vont plus pulvériser avec les insecticides contre la chenille légionnaire mais le maïs pourra se défendre. C’est un peu ce modèle qui permet à l’occident de s’en sortir parce qu’ils vont tranquillement vers cette technologie et ils s’en sortent avec des variétés qui font face aux aléas climatiques. Et donc nous pensons que l’Afrique ne peut pas être en marge parce que la science est universelle et nous avons des chercheurs capables également d’appliquer ces mêmes technologies, de développer du matériel pour nos producteurs. Mais cela nécessite de la sensibilisation et c’est l’objet de nos tournées.

Dites-nous sur le terrain, jusqu’à quand cette nouvelle pratique sera fonctionnelle chez nous au Burkina Faso ?

Déjà, nous avons été leader en matière de coton génétiquement modifié. Donc nous avons été un modèle pour la plupart des pays en Afrique de l’Est, de l’Afrique occidentale également. Malheureusement, notre technologie a rencontré des problèmes techniques de longueur de fibres qui nous a amené à suspendre momentanément. Mais cette suspension a été de trop longue durée et on peut dire que cela a eu pas mal de conséquences parce que nous nous sommes retrouvés encore à traiter le coton avec beaucoup de pesticides sans pour autant être capable de maintenir notre position de premier producteur de coton.

Les participants aux échanges sont appelés à sensibiliser sur la biotechnologie autour d’eux.

Mais nous avons également des technologies où nous étions leaders avec le Niébé (le haricot) qui est produit en seulement 60, 65 jours. Et si on n’y prend garde, si le Niébé est menacé aussi par une chenille et qu’il est traité par des insecticides, certainement qu’on va avoir ces insecticides dans nos plats. Parce que le temps de production est tellement court que le producteur en voulant sauver sa récolte risque de traiter quelques semaines seulement avant la récolte. Ce qui veut dire que l’insecticide va perdurer dans la graine que nous allons consommer. Et ça, c’est très dangereux.

Donc nous avons développé également du niébé qui va avoir un gène qui permet de le protéger contre le ravageur mangeur qu’on appelle Marouka Vitrata qui perfore également les gousses du Niébé et qui détruit également le système floral. Cette technologie est même prête et nous sommes en expérimentation en champ ouvert à travers une autorisation qui a été délivrée par l’agence nationale de biosécurité.  Et si l’expérimentation est concluante, cela veut dire que dans les deux années à venir cette variété va être proposée aux producteurs pour rendre plus de services.

   Propos recueillis par Wangola Médias.

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