Chef de canton du Karaborola à propos de la Difan Gbar et de la guerre terroriste qui nous est imposée : « Nos ancêtres n’ont pas été déguerpis de leurs terres parce que nos ancêtres aussi ont fait la geurre ».
Sensée se tenir chaque année après les récoltes, la Difan Gbar ou encore la fête des récoltes du canton de Karaborola, après une suspension d’une année, liée à l’insécurité, s’est tenue du 28 au 30 avril 2023. Pour sa Majesté Maouran, plus connu sous le nom de Tolé Sagnon, chef du Karaborola, dont le canton est frappé de plein fouet par l’insécurité, il s’est agi à travers cette 4è édition de montrer la résilience des populations face à l’hydre terroristes. « Nos ancêtres n’ont pas été déguerpis de leurs terres parce que eux aussi ont fait la geurre », martèle t-il ce 30 avril à l’équipe de Wangolā Média, alors qu’après ces journées, c’était le retour des populations au bercail. Du reste, contre toute attente, cette édition qui se veut également culturel a mobilisé un monde inattendu avec une vingtaine de troupes artistiques traditionnelles. Dans l’interview qu’il nous a accordé, il revient sur les temps forts de la commémoration. Lisez !
Majesté, dans l’ensemble comment s’est passé la 4é édition de vos journées culturelles la fête du Difan Gbar ?
La Difan Gbar, nous l’avons voulu à travers un conseil cantonal qui a décidé depuis septembre 2022 de relever le défi. Nous sommes en geurre et le canton est beaucoup affecté par cette geurre. Et cette situation nous a amené à hésiter, mais, finalement, depuis septembre 2022, nous avons pris l’engagement, la décision de relever le défi. C’est-à-dire organiser la 4e édition de la Difan Gbar malgré cette situation nationale. Mais on devait revoir le contenu, revoir aussi la durée et le format. Et c’est ce que nous avons fait.
Quant au contenu, il s’est agi de sensibiliser les populations à travers des échanges directs entre le chef de canton et les populations qui ont participé à la Difan Gbar. C’était l’occasion de les sensibiliser autour de la geurre et ses conséquences. Ses conséquences au niveau local qu’elles-mêmes les populations vivent mais en intégrant cette compréhension de la geurre au niveau régional et national. C’est-à-dire qu’on ne fait pas la geurre dans l’espace cantonale uniquement. La preuve c’est que les FDS viennent intervenir avec les Dozos, avec les VDP et donc c’est de manière, j’allais dire, coordonnée que la guerre là se mène. Donc, il faut encourager les populations à être résilientes et puis faire en sorte que les conséquences de la geurre n’arrêtent pas toutes nos activités. C’est en cela que la 4e édition de la Difan Gbar était un défi que nous avons relevé malgré la situation. C’était cela en premier lieu. Deuxièmement, cette année, la Difan Gbar coïncide avec les dix ans au trône du 7è chef de canton du Karaborola que je suis. Nous avons dit qu’il faut marquer aussi ces dix ans par une sorte de bilan non pas seulement écrit par le chef de canton et ses collaborateurs, mais aussi la vue des éléments d’approche que les populations elle mêmes ont sur l’action du chef de canton durant ces dix ans. Et nous avons effectivement présenté ce bilan, nous en avons discuté avec les populations pour améliorer leur contribution à la gestion de leur propre canton. Ensuite, à la demande de la jeunesse, il a été institué une coupe du chef de canton. Et nous avons lancé officiellement la première édition cette année, les éliminatoires ont été organisées et la finale s’est jouée ce 29 avril 2023 conformément au chronogramme de la 4é édition du Difan Gbar.
Voilà les trois thèmes principaux qui ont été réalisés en plus, bien-sûr, de l’aspect culturel qui a mobilisé une vingtaine de troupes au niveau local et qui sont venues faire des prestations jours et nuits. Jusqu’à ce matin du 30 avril 2023, elles étaient entrain de faire des prestations.
Dites nous Majesté, quel a été votre message à l’endroit des habitants de votre canton ?
Lemessagea porté essentiellement surlasituationnationalequ’onconnait. Il faut de l’entente, il faut de la résistance et il faut faire face à l’ennemi en faisant en sorte d’éviter une situation de conflit communautaire. Il faut éviter ça car ce n’est pas un conflit communautaire. C’est en faite une geurre contre des gens qui attaquent notre pays, qui attaquent nos concessions, qui attaquent aussi nos champs et qui attaquent nos familles. Donc, il faut que les populations coordonnent sans attendre et défendent leur terroir. C’est ça l’essentiel du message que nous avons fait passer.
Et il faut beaucoup de coordinations, aussi faire en sorte que le travail qui se mène aussi bien par les VDP que par les Dozos, soit bien connu et compris. Parce que c’est la défense des intérêts des populations elles mêmes qui est en jeu. C’est pourquoi nous leur avons fait comprendre à travers ce message qu’il n’y a pas que le fusil pour faire la geurre. Il y a aussi l’information, la sensibilisation pour être cohérent dans les actions. En faite, il y a aussi, et pourquoi pas, les éléments de l’après geurre. Parce que comme on le constate, on a pu montrer aux gens qu’il y a des milliers d’élèves qui n’ont pas pu aller à l’école. C’est dire que c’est une génération de gens qu’il va falloir gérer après la geurre. Donc nous avons estimé de regarder tout ça, puis, de permettre aux populations de prendre tout cela en compte dans la gestion de la geurre.
Majesté, expliquez-nous, à quoi répond traditionnellement la Difan Gbar ?
Culturellement, c’est la fête des nouvelles récoltes. C’est une fête traditionnelle qui existait chez nous. Le chef de canton en a fait une fête couplée à la sienne. Au lieu de faire une fête du chef de canton à part et la Difan Gbar à part, nous en avons fait une entité unique pour permettre aux populations de valoriser leur propre culture, de la faire connaître et de faire en sorte qu’il y ait la relève. Il y a eu un homme de 80 ans qui était présent à cette 4e édition de la Difan Gbar avec son instrument. Malgré son âge, il a fait des prestations et nous lui avons rendu un hommage mérité. Nous lui avons demandé expressément de continuer à former les jeunes pour la relève. Donc, la Difan Gbar, c’est cela. Parlant de récolte, c’est aussi dans cette situation de geurre par exemple, d’être en capacité de pouvoir produire autrement que la production classique. Quels types de productions céréalières peut-on avoir dans une période d’insécurité comme celle que nous vivons ? Quelles types de productions faut-il faire pour se nourrir ? Comment protéger nos champs lorsque nous faisons la guerre et que vous devez cultiver ? Donc nous avons abordé tout cela au cours des échanges. La Difan Gbar s’adapte à toutes ces situations là et essaie de faire en sorte que ce soit une fête non pas pour que tout le temps, l’aspect festif l’emporte, mais qu’en fonction des situations, on mette l’accent sur la sensibilisation au lieu de l’aspect festif. Cette fois-ci, c’est la sensibilisation, c’est des échanges directs qui ont prédominé sur l’aspect festif. Et les gens qui ont produit les éléments d’information ou de musique, ont chanté sur la geurre, ils ont chanté aussi pour encourager les hommes qui sont au front et pour les galvaniser. De nouvelles chansons ont été composées pour galvaniser les gens et les troupes et leurs rappeler que nos ancêtres n’ont pas été déguerpis de leurs terres mais ils ont plutôt fait la guerre. Donc ça ne commencera pas par eux, la génération actuelle. Ce sont des chansons que nous avons beaucoup appréciées.
Majesté, vous avez dit qu’il y a un de vos camps qui a subi une attaque. Avez-vous vous leurs nouvelles ?
Nous venions d’avoir les informations et nous avons préféré qu’une équipe se déplace pour constater et rendre compte. A cette étape ci, je ne peux pas être plus précis.
Propos recueillis par Wangolā Média.