Beauté insolente : quand l’apparence devient un prétexte à l’impolitesse

Dans nos villes et nos campagnes, une beauté dévoyée s’installe, se pavane et écrase. Elle toise, méprise et piétine le bon sens et la courtoisie. Aujourd’hui, il ne suffit plus d’être polie ou affable : il faut d’abord plaire au miroir et séduire le regard pour prétendre à un semblant de considération. La beauté est devenue pour certaines un sceptre invisible, un passe-droit social et une excuse pour humilier et rabaisser. Une dérive sournoise et ravageuse qui mine nos relations humaines et trahit les valeurs de respect qui fondent notre vivre-ensemble.
Le charme devenu arrogance ordinaire
Dans nos sociétés africaines, et plus particulièrement sous nos cieux burkinabè, la beauté a toujours été perçue comme une bénédiction. Un éclat naturel qui devrait inspirer admiration et modestie. Hélas, le constat actuel est tout autre. Une frange de jeunes filles, enivrées par leur physique et encouragées par une cohorte d’admirateurs dociles, se drapent dans l’arrogance et l’impertinence.
Dans les rues de Banfora, Ouagadougou ou Bobo-Dioulasso, il suffit de tendre la main pour un renseignement ou d’adresser une simple salutation, pour se heurter à des réactions dédaigneuses. Entre regards méprisants et paroles sèches « Je suis pressée », « On se connaît ? », « Tu es sûr que c’est à moi que tu veux parler ? ». Le spectacle est devenu tristement banal.
Beauté : un passe-droit pour l’incivilité ?
Cette posture condescendante, nourrie par les louanges faciles et les flatteries de circonstance, dénature nos rapports sociaux. La beauté, au lieu de rapprocher et d’ouvrir le cœur, devient pour certaines un instrument de supériorité et un justificatif à l’impolitesse.
Or, il faut le rappeler sans détour : la beauté n’est ni un titre de noblesse, ni un sésame pour mépriser autrui. Elle est éphémère, capricieuse et ne confère à son détentrice aucun droit d’humilier. Qu’elle soit célébrée et appréciée, soit ; mais qu’elle serve de prétexte à l’insolence est une déviation sociale qui mérite d’être dénoncée.
L’humilité, ce bijou oublié
Dans nos traditions, la véritable beauté a toujours été celle du cœur et de l’attitude. Une belle personne est d’abord celle dont la parole apaise, dont le sourire réconforte et dont la présence rassure. La grâce physique ne devrait jamais supplanter la noblesse d’âme.
Il est donc urgent que cette génération de jeunes femmes, souvent aveuglées par les illusions du miroir et les éloges éphémères des réseaux sociaux, retrouvent ces vertus essentielles. Car le temps, ce maître impitoyable, viendra flétrir les charmes et ternir les visages. Ce qui restera, ce sera l’empreinte laissée dans la mémoire des autres.
Un débat de société à ouvrir
Il appartient aux familles, aux éducateurs, aux leaders d’opinion et aux pairs de sonner l’alerte. D’ouvrir le débat et de rappeler que la beauté véritable se mesure dans la grandeur du caractère, non dans la finesse des traits. Que le charme sans humilité n’est qu’un vernis fragile, destiné à craquer sous le poids du mépris qu’il engendre.
Ainsi va notre société burkinabè qui, pour préserver son tissu social et son équilibre moral, gagnerait à replacer l’humilité et la courtoisie au sommet de l’échelle des valeurs humaines. Au détriment de cette dictature stérile de l’apparence.
Boubak KARAMA