Société

Communiqué n°3 du KORAG : l’anonymat, cette garantie de sécurité dans les dénonciations, dangereusement foulée aux pieds.   

21h GMT ce 12 novembre 2025. Pile à l’heure comme annoncé, la télévision nationale, avec à l’écran, le Capitaine Farouk Azaria Sorgho, porte-parole du KORAG, cette nouvelle institution chargée de définir, suivre et contrôler la mise en œuvre de la vision stratégique dans tous les domaines au Faso, a suscité à juste titre, des moments d’ahurissements sur de graves dysfonctionnements impliquant des personnes physiques et morales issues de l’Administration publique et du secteur privé. Malgré les multiples mises en garde, dénonciations, interpellations et sanctions, certains Burkinabè, réfractaires au changement, n’en ont cure.

En clair, cette sortie du KORAG visait a indiqué aux Burkinabè, que plusieurs secteurs d’activités restent minés par la corruption et pour le KORAG, les corrupteurs y font la loi, profitant de la cupidité sans limite et de l’insouciance des corrompus. Sur le fond de l’affaire, des dénonciations enregistrées par l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC), impliquant des agents des douanes du Burkina Faso. Ces derniers se seraient rendus coupables de faits de corruption et de blanchiment de capitaux, exigeant des conducteurs routiers le paiement de sommes d’argent pour laisser passer des camions. Ces faits qui remontent à mai 2021, connaissent aujourd’hui plusieurs développements.

A la demande de l’ASCE-LC, le Procureur du Faso, avait immédiatement ouvert une enquête qui a permis de découvrir d’importantes sommes d’argents détenues par les mis en cause dans leurs bureaux et domiciles. Des preuves matérielles irréfutables des faits de corruption impliquant deux agents à savoir un inspecteur et un contrôleur des douanes, sont versées au dossier. « La suite de l’enquête a également permis d’interpeller 11 autres douaniers pour les mêmes infractions de corruption et de blanchiment de capitaux », a précisé le communiqué n°3 qui souligne que 12 témoins (transitaires, déclarants en douane, transporteurs et commerçants) ont été entendus dans le cadre de l’instruction du dossier. Tous confirment avoir remis des sommes d’argent allant de 100 à 150 mille F CFA, sans quittance, aux mis en cause qui étaient en poste à la Coordination Nationale de Lutte contre la Fraude. Des preuves existent donc.

Cependant, « face au rejet en bloc des accusations, ils seront tous confrontés à l’évidence des faits grâce aux images et vidéos les montrant dans une situation de flagrant délit de corruption », révèle le KORAG, qui ne va pas du dos de la cuillère. « La corruption, dénoncée en milieu douanier, a également pion sur rue dans le milieu judiciaire ».

Et c’est à ce niveau que plus d’un Burkinabè épris de justice tombe des nues. Sur le cas des agents des douanes dont le dossier a été introduit au cabinet du juge d’instruction du pôle ECOFI, « en dépit des preuves évidentes versées au dossier, des aveux par reconnaissance par les mis en cause et de la concordance des témoignages, à la surprise générale, un non- lieu sera prononcé par le juge d’instruction en juillet 2024 ».

Insatisfait de cette décision, le Procureur du Faso fera appel de l’ordonnance du juge d’instruction devant la Chambre d’instruction de la Cour d’Appel. Le 27 août 2025, la Chambre d’instruction, juridiction supérieure de contrôle échouera à corriger la première décision malgré le caractère manifestement probant des éléments du dossier. « Elle valide un raisonnement qui fait abstraction d’une part de la matérialité de l’infraction (remise et récupération de l’argent) et d’autre part, de la concordance entre les images et vidéos réalisées par les enquêteurs et les pratiques dénoncées par les témoins », regrette la structure traquant les corrupteurs et les corrompus.

Au KORAG de porter un jugement, « Cette confirmation du non- lieu, nonobstant les preuves flagrantes, fragilise l’effort de lutte contre la corruption et envoie un signal extrêmement négatif sur l’efficacité et la rigueur du pôle judiciaire spécialisé », tranche-t-elle. Mais en cette soirée, les Burkinabè accrochés à leur petit écran ne sont pas au bout de leur surprise. Comme dans un film d’enquête bien abouti,  à l’issue de cette « mascarade judiciaire », les mis en cause sont parvenus à obtenir auprès des juges ayant connu du dossier, l’identité des dénonciateurs ainsi que des pièces de la procédure. Des éléments normalement protégés pour garantir l’anonymat et la sécurité de tout dénonciateur ».

La suite ?  Non content de violer ce principe sacré du droit à savoir la protection de l’identité du dénonciateur, l’un des douaniers mis en cause « se paie le luxe d’attraire le dénonciateur devant un juge qu’il corrompt en contrepartie d’une condamnation sévère de ce citoyen qui a voulu contribuer à la manifestation de la vérité ». Les faits sont iconoclastes.

C’est évidemment là toute la stupeur pour certains Burkinabè épris de justice, car, « la divulgation de l’identité des dénonciateurs faite en violation de la règlementation en vigueur est une faute grave qui met en danger le citoyen et compromet l’ensemble des mécanismes de dénonciation », précise le communiqué n°3. Et c’est pourquoi, une série d’interpellations d’acteurs de la justice suivie d’auditions effectuées courant le mois d’octobre 2025 a révélé un vaste réseau d’agents indélicats à la Cour d’Appel de Ouagadougou. Dix magistrats (Président de Chambre, Procureur Général, Substitut Général, Procureur du Faso, juge d’instruction et juge au siège, etc.) et un avocat sont mis en cause ainsi que d’importantes sommes d’argent engagées pour des actes de corruption et d’influence ayant entraîné une instruction biaisée et un jugement partisan du dossier.

Et le moins que l’on puisse dire sur ces graves comportements dans la république, c’est surtout la levée de l’anonymat comme si de rien n’était, inconscients qu’ils étaient du danger ces auteurs. L’anonymat, il faut le souligner, permet aux systèmes d’évoluer ou à des structures de changer les choses en traquant des brebis galeuses. La police, la gendarmerie, la justice, le corps militaire tout comme les journalistes, tous y font parfois recours. Et la garantie de l’anonymat est synonyme de confiance réciproque à ces structures. La levée de l’anonymat n’est possible que pour atteinte à la sureté de l’Etat et cela doit respecter certaines conditions. A contrario, au prix de la vie, l’anonymat, gage de sécurité doit être garantie vaille que vaille.

Et on ne peut que déplorer ici, la légèreté des ces commis de l’Etat, qui, devant des billets craquants et trébuchants, ont jeté en pâture des personnes de bonne foi qui ont voulu apporter leur pierre au changement d’un système. Une légèreté qui coûte cher à l’efficacité du renseignement nécessaire pour lutter contre la corruption car, certains, par prudence, préfèreront circuler. Ni vu, ni entendu, c’est encore mieux que de courir des risques dans un anonymat dont les masques pourraient tomber aux moindres billets de banque craquants.

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